Après une version en trois volumes au format BD Franco-belge, le petit bijou de Stephano Raffaele revient sous la forme d'un petit pavé plus dans l'air du temps. Histoire de démontrer qu'en avance sur ses petits camarades, Loving Dead / Fragile n'a toujours rien perdu de son charme.
Illustrateur privilégié des récits horrifiques de Christophe Bec (Pandemonium, Sarah), Stephano Raffaele passe rarement du côté de la machine à écrire. Malgré son expérience américaine (Hellboy Weird Tales, Conan, X-Men...) et son ancrage dans l'industrie italienne, il n'a en tout et pour tout scénarisé en personne qu'une seule de ses séries : Fragile. Une collection de trois albums sortie il y a déjà six ans et qui préfigurait la mode actuelle des BD « zombiesque ». Malgré les apparences de sous-Walking Dead induites par la couverture, c'est bien ce même Fragile qui revient aujourd'hui sous la forme d'un seul volume noir et blanc. Changement de titre, de taille façon comics, esthétique inédite ; cela n'empêche pas ledit volume de confirmer tout le bien que l'on pensait déjà de cette œuvre. Sur fond d'apocalypse « romerienne » et de délires gore à souhait, l'artiste italien surprend le lecteur en préférant à l'habituel survival de l'espèce un romantisme morbide profondément poétique. Deux être que tout sépare, réunis pas leur statut de morts-vivants, découvrent le coup de foudre au-delà de leur condition. Comment concilier caresses et décomposition ?
Atypique et jamais niais dans son approche, le mélodrame macabre est constamment contrebalancé par la violence des images et l'énergie de la mise en scène. Construit comme un road-movie westernien, Loving Dead brasse savants fous, colosses constitués de bouts de cadavres, zombies débiles et libidineux, militaires adeptes de la gâchette, dans une orgie trash profondément jouissive. Maître moderne de l'horreur (Texas Chainsaw Massacre Cut, The Blackburne Covenant), Raffaele sculpte ses pages avec un trait anguleux, parfois grotesque, et donne corps avec talent à ces morts qui bougent, parlent et tentent de perpétuer une vie malheureusement bien matérialiste. Moins onéreux que dans sa forme première, Loving Dead / Fragile est donc une lecture particulièrement conseillée, même si le passage des à-plats bruns au noirs et blanc en variation de gris fait perdre une partie de la beauté des images. Petit bonus tout de même, l'ajout en fin de volume du court récit publié dans le 37ème numéro de la défunte revue Métal Hurlant, qui décrit le passage terrifiant de la pauvre Lynn du statut de mannequin casse-burnes à victime de zombies sadiques.