Avant que l'un ne devienne la dernière coqueluche de Marvel, passant de Doctor Stange à Thanos et prochainement Silver Surfer, et que le second soit la dernière trouvaille d'Images Comics, Donny Cates et Daniel Warren Johnson avaient lancé il y a cinq ans une œuvre commune, The Ghost Fleet, au sein de Dark Horse.
Une maxi-série ambitieuse de douze épisodes mais dont l'échec commercial se solda rapidement par la réduction à 8 numéros dont les trois derniers ne furent lisibles uniquement en ligne. Le temps faisant son affaire, et la carrière des deux auteurs décollant rapidement par la suite, l'intégrale pointe alors le bout de son nez des deux cotés de l'atlantique. Bonne nouvelle pour un titre qui n'a rien de l'œuvre de jeunesse, mais affirme dors et déjà les qualités des deux bonhommes. En premier lieu l'énergie débordante dont peut faire preuve le dessinateur d'Extremity, usant de son trait fiévreux, tendu, pour nourrir des planches explosives, bouillonnantes et constamment portées par un mouvement rarement ralentis. Un style particulier, loin du réalisme soignée et propre du tout venant des comics, mais qui ici se prête à merveille à la série B délirante imaginée avec Donny Cates (Rednecks) qui annonçait alors déjà le regard débridé de God Country.
S'appuyant sur concept initial déjà relativement corsé (la fameuse armada fantôme, sorte de légende urbaine américaine) qu'il imaginait porté au cinéma par un réalisateur de la trempe de John Carpenter, le scénariste ne se contente pas d'orchestrer un Duel ou un Runaway Train en bande-dessiné. Il embraille dès la fin du premier segment vers une trame bien plus tordue, entre récit de vengeance digne d'un western, actionner bourrin où s'invite un fantastique là encore particulièrement bisseux et direct-to-video horrifique aux lisière de la parodie. Des références foutraques, qui cohabitent pourtant à la perfection, emportées par une dimension cinégénique qui rappelle à nouveau la passion des deux créateurs pour la saga Mad Max. Terriblement spectaculaire, immensément décomplexé, absolument décoiffant, The Ghost Fleet aurait pu finir dans le mur, en particulier avec cette conclusion précipitée et forcée qui accumule les twists et les sorties de route volontaires, mais Cates et Johnson gardent la main, sacrifiant malheureusement la seule figure féminine (vivante !), mais développent avec intelligence les deux buddy plus ou moins ennemis (Invasion Los Angeles n'est pas loin) et les transforment en sauveur du monde.... Qui manquent leur cible et plongent la planète dans les cercles infernaux ! Un album qui ne se prend jamais au sérieux mais offre un divertissement qui dérape à 300 à l'heure. Construit comme un meddley d'idées qui arrivent dans tous les sens, et qui repartent dans le même état, The Ghost Fleet se dote d'une identité très particulière, celle d'une œuvre juvénile, mais déjà maitrisée, où l'effervescence semble être le maitre mot. Carrément foufou, carrément le pied.

