Illustrateur sur Bad Ass, Amazing Grace ou Zorn et Dirna, Bruno Bessadi entame sa première série en solo. Une trilogie annoncée avec un lion dont les airs barbares rappellent très volontairement un certain Conan. Forcément ça va donc être aussi un poil brutal.
Ce grand récit d'Heroic Fantasy, cela fait bien10 ans que Bessadi le réfléchit et le fait mûrir, renouant certainement avec ses premières découvertes de l'univers de Robert E. Howard et du long métrage de John Milius. Une référence, ou plutôt un hommage, d'autant plus assumé qu'il s'était offert un joli terrain d'entraînement en 2019 avec l'art book crowfundé intitulé Le Lion Barbare. Des peintures reprenant quelques affiches ou illustrations de Frazetta des plus célèbres, des tonnes de croquis et esquisses, et surtout un univers croisant la sauvagerie de la Sword & Sorcery classique et un anthropomorphisme musculeux mais aux contours presque doux, proches du dessin animé grand public. Un contraste toujours aussi présent dans ce premier tome de L'Ogre lion où le monde dépeint avec son bestiaire animal particulièrement inspiré (les souris sont irrésistibles), sa colorisation léchée et lumineuse et son aventure en forme de grande quête exploratrice, tranche parfois durement avec la violence affichée (les épées ça fend la viande) et le sang déversé, tout autant qu'avec la personnalité de son protagoniste principal.
Un guerrier solitaire taiseux et amnésique (on le saura rapidement roi déchu et hanté), possédé par Bakham Tyholi, un esprit vengeur qui s'extraie de son corps lorsqu'il meurt, et qui s'en prend presque exclusivement aux carnivores présents dans son champs de vision. Leur lien et la raison de cette possession reste encore mystérieuse, mais semble pointer vers une longue et âpre rédemption... Véritable anti-héros, Kgosi Bombataa Begazi, de son vrai nom, vient alors en aide aux plus faibles essentiellement grâce à l'insistance de Wilt, jeune chevreau kidnappé par une secte qu'il a libéré. Le géant grommelant et le gamin bavard et joyeux, une jolie paire bientôt rejointe par Othila la chevalier souris et, on l'imagine très rapidement, une charmante renarde, Hind, voleuse de son état. Une troupe hétéroclite particulièrement accrocheuse à laquelle Bruno Bessadi fait déjà traverser de nombreuses péripéties, une bonne poignée de combats sanglants et de mission épiques, tout en mettant parfaitement en place les enjeux à venir avec, comme il se doit, un soupçon de politique à la clef. Aucun des ingrédients utilisés ne semble vraiment inédit, mais l'auteur les accommode avec talent et une réelle efficacité . On ne s'y ennuie pas une seconde, portée par la quête identitaire de cet imposant anti-héros, par l'humour de ses compagnons de route et, il faut le rappeler, par la maîtrise graphique totale de ses planches et de ses designs. Seul petit regret, lorsque l'on voit les peintures hommages faites par Bruno Bessadi avec son lion barbare, on se dit qu'en couleurs directes L'Ogre Lion aurait été monstrueux.

