Maxi-série produite au sein du label Young Animal supervisé par Gerard Way, Far Sector est l'occasion de rencontrer une nouvelle Green Lantern, la novice Jo Mullein, mais aussi de découvrir la première incursion de la romancière N.K. Jemisin (Les Cent Mille Royaumes, Les Livres de la terre fracturée...) dans le monde des comics.
Sans être totalement hors canon, les productions Young Animal permettent tout de même à leurs auteurs de prendre un peu de distance avec les grands évènements DC. L'univers est le même, mais le ton y est souvent plus libre, plus personnel, plus auto-contenu. Si depuis l'héroïne de Far Sector a fait quelques fugaces dans d'autres publications de l'éditeur, elle est ici fraîchement émoulue de ses racines terriennes, envoyée pour sa première mission sur une planète très lointaine, afin d'enquêter sur un meurtre. Un acte qui n'y était pas arrivée depuis des siècles puisque les trois espèces vivant sur la cité éternelle ont banni, depuis avoir manqué de s' auto-détruire, tout forme d'affection. Des peuples rationnels, censés, calculateurs, logiques, totalement dépassés par la situation et qui vont devoir se reposer sur les capacités de Jo Mullein, ex-militaire et ex-flic, et surtout véritable bouillon de culture d'émotions en tous genres et parfois contradictoires. Un agent agitateur en somme, découvrant une civilisation étrangère, à l'organisation complexe et particulière que la scénariste explore avec beaucoup de précision, donnant corps à de nombreux détail historiques et politiques.
Une toile de fond omniprésente qui permet alors de construire un récit policier digne des vieux romans de gare avec trahisons, corruptions, crise sociale et main mise des puissants, mais dans un environnement spectaculaire de space opera célébré par les couleurs explosives et les effets de lumières aveuglants de Jamal Campbell (Nightwing, Mighty Mophin Rangers, Naomi). Des planches qui en mettent plein la vue mais qui, à l'instar de l'écriture, ont parfois tendance à trop vouloir en faire, à noyer le lecteur sous les détails et la profusion d'informations. C'est particulièrement notable lors des scènes d'actions ou de batailles où les pouvoirs de la Green Lantern (pourtant bourrés de clins d'œils) se perdent au milieu des tirs lasers, des architectures bardées de néons ou des transformations informatiques d'une poursuites en royaumes virtuels. C'est finalement quand la trame refroidit ses ardeurs que le monde de Far Sector prend vraiment forme, autant dans les excellents designs des aliens, humanoïdes ailés, végétaux carnivores conscients et créatures virtuelles se nourrissant de cultures et de mèmes, que dans le parallèle plus qu'évident que Jemisin fait avec cette société au bord de la révolution, et la notre. Mais si Far Sector reste une lecture accrocheuse et sur certain point marquante, c'est véritablement grâce à une nouvelle Green Lantern particulièrement charismatique que ce soit dans la réinvention moderne du fameux costumes vert, que dans sa fougue, sa conscience politique, ses contradictions et sa profonde humanité. On espère vraiment qu'Oa lui réaffectera une autre missions à sa hauteur.

