Les amateurs de jeux vidéo connaissent déjà Michael Giacchino, sans forcément en être conscients. Auteur de quelques-unes des bandes originales les plus importantes de l'histoire du médium, aux côtés de celles, tout aussi flamboyantes, de Jeremy Soule (remember Total Annihilation), Giacchino a notamment marqué la saga Medal of Honour de son emprunte, s'y livrant à un exercice de composition digne d'un John Williams. C'est dire si J.J. Abrams ne s'est pas trompé en lui confiant le soin d'illustrer sa bondissante série Alias, intrigue d'espionnage s'efforçant de moderniser le genre sans jamais en trahir l'essence.
Tandis que la petite lucarne n'offre à ses compositeurs, la plupart du temps, qu'un orchestre minimaliste, voire un budget inférieur au prix d'un synthétiseur de seconde zone (Mark X Files Snow en sait quelque chose), Abrams a mis les petits plats dans les grands. Une centaine d'instruments et autant de séquenceurs viennent ainsi servir l'inspiration, les ambitions et le dynamisme de Giacchino, qui atteint ici des sommets de virtuosité. Portée par un vocabulaire techno d'une ébourriffante précision (les mélanges de basses, percussions, patterns analogiques et samples - dont des orgasmes féminins ! - sont à se retourner une vertèbre), la partition s'articule autour d'une thème unique en quatre notes, aux déclinaisons tonales infinies.
Ce qui compte, ici, réside moins dans ce leitmotiv que dans un choc culturel et un voyage éthnique auxquels Giacchino nous convie. "Spanish Heist" en témoigne, avec son flamenco perverti par un arrangement d'avant garde (attention, morceau d'anthologie). Le plus surprenant restera toutefois la note d'intention de la seconde partie du disque (plages 16, 24 ou encore 26), hommage aux compositions bondiennes de John Barry comme David Arnold rêverait d'en écrire. Captivant, formidablement dirigé et renouvelé à chacune de ses pistes, le score de Alias est une déflagration tellement énorme qu'elle vaporise sur son passage de nombreuses BO de cinéma récentes. Dès lors, on n'en voudra pas à Brad Bird, déserté par le regretté Michael Kamen, d'avoir fait appel à Giacchino pour ses Indestructibles.