Seven Swords de Tsui Hark l'a prouvé une fois de plus : Kenji Kawai n'est jamais aussi bon que lorsqu'il travaille avec Mamoru Oshii. La preuve par A plus B avec Ghost in the Shell Innocence, sans doute l'un des plus beaux ouvrages du compositeur nippon.
Suite directe de son chef-d'œuvre Ghost in the Shell, dont les textures fantomatiques et les mélodies obsédantes hantent encore les enceintes de nombreux amateurs de musique de film, le dernier disque édité par Beez offre aux fans du compositeur de se remettre de la semi-déception de la fresque de Hark. Un an après sa sortie dans les bacs nippons, l'évidence reste indéniable : Innocence renoue avec la période la plus inspirée de la carrière de Kawai et, mieux, se permet d'en élever la barre de quelques échelons supplémentaires, fonçant tête baissée dans un terrain d'expérimentation de plus en plus proche de la musique concrète.
Plus risqué et abstrait d'un point de vue mélodique donc (le fameux choeur repris du premier opus multiplie les points d'orgues et autres notes tenues, soulignant le masque faussement impassible de Batou), en adéquation avec les concepts les plus fous de Oshii (l'idée de la boîte à musique entêtante et de plus en plus oppressante, apposée au sein du métrage à une incroyable séquence de distortion temporelle), le score s'avère aussi et surtout plus imposant que son aîné, et culmine en de subites explosions percussives. Fin limier, Kawai dose enfin au millimètre ses rares mais non moins remarquables emprunts au premier opus, remplace à l'occasion les cordes originelles par des voix, et décuple systématiquement leur portée émotionnelle, de même que leur valeur narrative. Le grand final, suite chorale ininterrompue de près de dix minutes, peut ainsi d'ores et déjà entrer dans la légende de la musique de film, la symphonie gagnant en chaleur et en émotion dès l'entrée en scène du Major Kusanagi.
Pari insensé (reprendre une partition culte où nous l'avions laissée, la décrypter et en tirer un objet foncièrement novateur) mais réussi haut la main par un Kenji Kawai au sommet de son art, Ghost in the Shell Innocence s'achève sur un slow jazzy mélancolique, contine enivrante pleine de douceur et de douleur à la fois. Une chanson à l'image de l'oeuvre dans son ensemble.