Célébré par le grand public pour son exceptionnelle partition des Choristes (qui ne s'arrête guère, on l'oublie trop souvent, à ses quelques morceaux chantés), adulé par les fans de cinéma de genre pour le score crépusculaire des Rivières pourpres (la plus belle partition de thriller jamais écrite en France ?), Bruno Coulais est aussi, et surtout, un brillant illustrateur de documentaires. Sans rien enlever à ses réussites évoquées plus haut, c'est d'ailleurs précisément dans ce genre qu'il semble s'épanouir le mieux, ses ambitions symphoniques flirtant sans la moindre retenue avec des expérimentations instrumentales ou vocales, souvent bien difficiles à appliquer à un registre de fiction.
On pourrait hâtivement taxer l'attirance de l'artiste pour le format documentaire de démarche égocentrique, la musique y gagnant un statut de personnage à part entière, de commentateur omniscient. Mais Coulais se moque bien de la gloire. Sa musique est plutôt une quête perpétuelle, obsessionnelle. Une quête d'émotions, de sensations. Souvent labellisé "musique du monde", La Planète blanche n'a pourtant rien d'une oeuvre éthnique au sens où ses inspirations, ses influences, ses couleurs et textures échappent à une culture spécifique, immuable. Coulais est un compositeur libre, et c'est ce qui fait sa force. Fresque musicale à la puissance d'évocation rare, La Planète blanche mêle piano gracile et percussions primales, grand ensemble de cordes et cors exotiques, guitares, basses et chants à connotation religieuse, flûtes et choeurs d'enfants (dans l'esprit, L'Espoir de l'ours n'est pas sans rappeler la fanfare finale de Genesis)... Plus qu'une illustration menottée de l'image, Coulais cherche à créer la vie dans l'orchestre, de la manière la moins stéréotypée qui soit. Si le disque remporte son pari haut la main, certains morceaux tendent vers le génie pur (La Migration des caribous, Le Repas des ours, Générique de fin), dont le poids émotionnel ne dépend pas nécessairement du long-métrage qu'ils accompagnent.