2005. Varese Sarabande profite de la fête d'Halloween pour emballer quelques titres cultes de son catalogue dans un attrayant écrin collector. Après la trilogie de La Malédiction, signée Jerry Goldsmith, c'est au tour du dyptique The Fly de s'incruster dans les bacs, et d'opposer les styles de deux figures majeures de la musique de film, catégorie fantastique.
Marquant la quatrième collaboration entre le maestro et son cinéaste de prédilection David Cronenberg (Les Promesses de l'ombre élèvera la note à douze, tout de même), La Mouche apparaît comme la partition la plus gothique et la plus solennelle de Howard Shore, et compte également parmi ses plus ambitieuses. Bâti autour d'une descente d'arpèges opératique à la puissance phénoménale, le thème principal culmine en un final apocalyptique, soulignant le chemin de croix de Seth Brundle et la tragédie de sa métamorphose. On regrettera une fâcheuse incohérence du disque : ledit climax est présenté ici en seconde piste, ouvrant ainsi l'écoute sur les mesures les plus intenses. En toute logique, l'intensité ne peut que décroître par la suite, en dépit d'une écriture maîtrisée à chaque note. Même retranscrit dans un désordre illégitime, La Mouche reste sans doute l'un des plus beaux scores du cinéma fantastique, et se paie le luxe de mener son compositeur vers les cimes d'émotion à fleur de peau de Faux-Semblants. A noter que, à peine sorti de la triste expérience de King Kong, Shore a composé entre 2006 et 2007 un opéra totalement inédit sur le même thème, opéra qui fut présenté en avant-première à Paris, au Théâtre du Châtelet, début juillet 2008. On s'étonnera de n'y trouver quasiment aucune citation de la bande originale du film, l'ensemble se voulant beaucoup plus dissonant et atonal.
Jouissant d'une renommée largement inférieure à celle de son aîné, La Mouche II n'en est pas moins mémorable. Ceux qui avaient émis quelques réticences, voire quelques sarcasmes à l'annonce de l'embauche de Christopher Young sur Spider-Man 3 auront toutes les raisons de se pencher sur ce monument gothique, fresque orchestrale techniquement et thématiquement bien plus complexe que l'oeuvre qu'elle illustrait à l'origine. Dépasser de très loin le matériau de base était, en 1989, déjà une habitude du compositeur, pour ne pas citer les partitions hallucinantes des médiocres Hellraiser I et II. Young, qui s'embourbera pour on ne sait quelles raisons dans les fonds de tiroirs d'Hollywood, accompagnant de thèmes majeurs des thrillers oubliables (Jennifer 8, Urban Legend), livrait donc ici l'une de ses oeuvres les plus abouties, voguant avec aisance d'envolées épiques inattendues (on pense même à Poledouris) à un thème principal romantique en Diable. On remerciera dès lors une centième fois Raimi d'avoir ressuscité l'artiste avec Intuitions, sur les conseils avisés de son monteur...