Depuis qu'il a quitté le domicile familial pour devenir écrivain sous les quolibets de son père, Angelo Tetrocini est devenu Tetro, sublime Vincent Gallo. Établi en Argentine, il essaie d'oublier. Oublier son père d'abord, ce patriarche despotique trop attiré par les lumières de la célébrité pour se soucier de sa famille mais oublier également les promesses non tenues. Un plan parti pour bien marcher jusqu'à ce que son petit frère de 23 ans son cadet stewart à bord d'un paquebot sonne à sa porte avec dans son paquetage autant de souvenirs que peut redouter Tetro. Éprouvé par les crises de son colérique aîné, le petit Benjamin (troublant et émouvant Alden Erhenreich) sera épaulé par sa jolie belle-sœur, seule faille dans le cœur de Tetro, qui saura guider les deux frères à travers la tempête jusqu'à la réconciliation tandis que plane sur eux le fantôme de leur père mourant qui semble diriger avec eux son dernier opéra.
Alors qu'on n'attend de lui que ce qu'il annonce, Tetro séduit au-delà des images et de son histoire. Il happe le spectateur dans sa lumière pour l'entraîner au plus profond de ses ténèbres. Pendant deux heures, Tetro nous donne tout. De l'amour à n'en plus finir. Des rires sous les larmes. C'est le feu qui couve sous la glace de ce noir et blanc qui nous perd dans la tourmente des sentiments retenus puis dévoilés. Car dans Tetro il faut d'abord tout perdre pour trouver le bonheur qui nous attend. Perdre un père pour trouver une famille, perdre la raison pour trouver une femme, perdre un frère pour trouver un père. Perdre ses convictions et ses à prioris pour trouver le passage secret vers le cinéma.
L'extase de la mise en scène est un bras d'honneur à la sobriété. La photographie trop belle pour l'œil humain brûle la rétine comme l'ampoule brûle les ailes du papillon. L'homme en pleine lumière et son ombre, la femme sont magnifiés par un maître qui sculpte dans la boue un cinéma tutélaire.