Batman et sa suite, pièces maîtresses de la filmographie de Tim Burton, ressortent enfin chez Warner en Blu-Ray collector, dans des écrins luxueux dignes de leur renommée cinéphile. Une occasion comme une autre de revenir quelques quinze années en arrière, tandis que le monde retenait son souffle dans l'attente de la sortie du premier film...
La
Batmania de 1989, véritable phénomène de société sans précédent ni commune mesure, avait lancé en pompe la carrière de Tim Burton, jusqu'alors spécialisé dans les comédies fantastiques jugées un peu trop étranges par le grand public international. Le film lui-même avait d'ailleurs beaucoup souffert de son importance, Burton ratant de justesse quelques éléments clefs de se narration et les critiques tirant à vue à la moindre bourde apparente, avec d'autant plus de virulence que leur rôle se voyait pour la toute première fois depuis
Le Retour du Jedi éludé au profit d'un sacro-saint marketing, d'une gargantuesque et imparable promotion. La jeune génération actuelle, élevée très tôt à la valse frénétique des sorties événementielles cinéma et DVD, aura sans doute du mal à évaluer l'impact de
Batman sur le public de l'époque, une puissance qui trouve aujourd'hui sa légitimité avant tout dans la vision que Burton avait du personnage.
S'approprier la franchise
Film de commande à la base,
Batman appartient désormais organiquement à la filmographie de Tim Burton, ses majestueuses qualités comme ses énormes défauts se fondant dans une logique de recherche stylistique et d'obsession thématique on ne peut plus personnelles. Bien que daté par certains aspects (la fumée et les étincelles font aujourd'hui quelque peu télévisuels), inégal dans ses séquences d'action (chapeau bas tout de même aux scènes en Batmobile et en Batwing) et fragile d'un point de vue dramatique, le métrage trouve vite un rythme de croisière intéressant, livrant un à un quelques secrets du personnage et explorant son profil psychologique sans jamais en briser le mystère. Déjà à l'époque, soutenu par l'interprétation toute en retenue et en non-dit d'un Michael Keaton transfiguré, Burton avait beaucoup mieux saisi l'essence du comics que les futurs auteurs de
Batman Begins, David S. Goyer et Christopher Nolan : de fait, l'oeuvre de Bob Kane ne pourra en aucun cas fonctionner pleinement une fois comblés les vides de la genèse du personnage.
S'affranchir du comics
Dans pareil contexte, l'extraordinaire
Batman le défi représentera non seulement l'accomplissement cinématographique du
Dark Knight mais aussi et surtout la maturité artistique du réalisateur qui, débarrassé de toutes les contraintes d'adaptation du comics original grâce au triomphe du premier film, puisera dans l'oeuvre de Bob Kane matière à exprimer pleinement ses obsessions, et à exposer au grand jour son univers intime. La monstruosité et la marginalité transpirent ainsi de ce
Batman Returns, de ses tableaux de maître apposés à un score opératique, de sa photographie contrastée soutenant toujours à l'écran les émotion des protagonistes, de ses dialogues acérés, systématiquement écrits à double-sens, qui contribuent à transformer la ville en parc zoologique à échelle humaine. Chats, pingouins, chauves-souris et charognards politiques s'affrontent ainsi dans le no man's land fascisant de Gotham City, transformant le blockbuster estival attendu en tragédie à la fois effrayante et drôlatique.
Batman le défi ? Un requiem gothique beau à pleurer, un
Freaks nouvelle vague qui aurait oublié jusqu'au concept même de "popcorn movie". On sort marqué, blessé et à la fois grandi d'une telle expérience.