La catégorie III n'est pas morte, cette classification mythique du cinéma extrême en provenance de Hong-Kong, devenue au fil du temps un véritable label horrifique synonyme de gore et de déviance en tout genre - souvenez-vous de Story of Ricky ou de l'impensable Ebola Syndrome... C'est en tant que nouveau porte-étendard de cette classification moribonde que Dream Home surgit sur nos (petits) écrans.
Et si vous aviez oublié comment le mot violence peut-être traduit à l'écran, préparez-vous à retrouver la mémoire très rapidement ! La première chose qui saute (gicle ?) aux yeux lors de la vision du long-métrage, c'est bien l'extrême âpreté des assassinats ! Dream Home oscille en permanence entre le gros gore qui tache, décérébré et récréatif, et la brutalité cinglante, objectivement effroyable, quand elle n'est pas tout simplement traumatisante. Ceux qui pensaient avoir vu du lourd avec Watchmen (dont on ne spoilera pas la scène en question pour ceux qui ne l'ont pas vu) vont probablement revoir leurs exigences à la hausse ! Toute cette violence graphique a en outre l'avantage d'être emballée dans une mise en scène très élégante et audacieuse, macabrement éclairée, rappelant forcement un certain cinéma transalpin (d'ailleurs accueilli fraîchement par un certain président de jury de Gérardmer). Les premières minutes du film sont à ce titre époustouflantes de maîtrise, shootant une mise à mort d'une cruauté glaçante, jusqu'au-boutiste et, surtout, crédible...
Mais il serait trop facile de réduire Dream Home à un vulgaire splatter lambda, puisque Pang Ho-Cheung réussit à se servir de ces excès pour soutenir une critique cynique sur l'évolution de la société hongkongaise, en pleine autodestruction depuis sa rétrocession à la Chine en 1997. L'utilisation d'une narration éclatée, où s'entrecroisent passé et présent, accompagne une héroïne malmenée par une vie mouvementée mais fatalement banale, prête à tout (et c'est le moins qu'on puisse dire) pour réaliser ses rêves d'enfant. Personnage hautement symbolique, cristallisant la mutation d'une société balançant progressivement tous ses principes aux chiottes, Josie Ho apparaît d'autant plus emblématique qu'elle n'est jamais présentée comme une psychopathe brisée par la vie (contrairement au Halloween de Rob Zombie). Pang Ho-Cheung préfère prendre à contre-pied ses spectateurs en esquivant les obligatoires circonstances atténuantes. Le procédé est effroyable mais diablement efficace, et téléporte en douceur le spectateur dans la peau du personnage, débordé par ses multiples boulots, sa vie sentimentale claudicante et écrasée par des spéculations immobilières hors de tout contrôle. N'est-ce pas là la vie de Monsieur Tout-le-monde ? L'héroïne de Dream Home n'est au final que notre reflet dans le miroir, un individu soit-disant civilisé qui n'aurait pas perdu l'esprit, bien au contraire, mais se serait parfaitement adapté aux lois de notre société matérialiste et carnassière ; une évolution logique et aboutie de ce que l'égocentrisme moderne peu engendrer. Dream Home navigue entre deux-eaux et traîne derrière lui quelques spécificités qui pourront sembler aller à l'encontre des avides de trash, mais il s'impose malgré tout comme Le slasher (social ?) de l'année. Ni plus, ni moins !