Laissant au surestimé Rob Marshall le soin d'illustrer un nouveau Pirates des Caraïbes, Gore Verbinski a préféré se tourner vers le cinéma d'animation pour donner sa vision d'un autre genre (autrefois) populaire : le Western. Soutenue une nouvelle fois par le sémillant Johnny Depp, la mue ne laisse pas sans voix.
Envisagée et conceptualisée bien avant le lancement de Pirates des Caraïbes, de façon étonnement logique, cette relecture du western vécue par des animaux du désert (aaah les américain et l'anthropomorphisme) aura richement nourri les développements de la trilogie, en particulier l'évolutions du statut d'un certain Jack Sparrow. Son voyage initiatique intérieur restait néanmoins au second plan, offrant tout de même quelques séquences étonnantes (le monde blanc en ouverture de Jusqu'au bout du monde, dont on retrouve des visions plus poussées, plus abouties dans Rango). Les trois Pirates des Caraïbes étant largement inspirés de la première saga Star Wars, elle-même nourrie des écrits de Joseph Campbell, on peut dire qu'avec Rango une certaine boucle est bouclée, le film citant allègrement la théorie du monomythe. Cette structure universelle et généreusement codifiée sert de cadre aux aventures d'un lézard sans identité (doublé par un Johnny Depp idéal), et même de zone de débat factuelle sur son rôle à jouer dans le monde, à réagir aux étapes de sa maturation, de sa construction identitaire. Un voyage complexe dans le fond, mais qui se retrouve admirablement dynamisé et vulgarisé par Gore Verbinski (La Souris, Le Cercle) dont on retrouve indéniablement ici le sens du grand spectacle, de l'esbroufe bien sentie, le cinéaste jouant encore avec largesse sur l'accumulation et les ruptures de ton, mais toujours avec une grammaire lisible (en gros l'inverse de Michael Bay).
Charge des valkyries à dos de chauve-souris, jeu du chat et la souris (tiens donc...) entre Rango et un aigle en plein dans les ruelles de Poussière... Tout cela est bien entendu mêlé à des détournements des codes et figures du western américain classique, la mariage reposant sur un humour malheureusement pas toujours des plus fins. Au milieu de dialogues à double-sens pertinents ou d'un hommage inoubliable à l'Homme sans nom, Rango semble vouloir régulièrement s'écarter de sa propre exigence pour aller draguer un grand public que les créatifs doivent imaginer un poil limité. Déjà bavard, le film passe parfois pour un cours magistral mal fagoté et répétitif (à force de répéter l'évidence, ça lasse), mais ce sont surtout les digressions scato / sexuelles qui navrent. Ce gâchis égratigne un trip qui s'amuse à citer Leone ou Las Vegas Parano entre une chevauchée à dos de poulet ou un coucher de soleil splendide joliment chorégraphié par les techniciens d'ILM. Peu habitués aux longs métrages d'animation, les gars du George Lucas apportent un réalisme visuel impressionnant au projet, respectant à la perfection les designs de Marc « Crash » McCreery (Pirates des Caraïbes, Le Village...) tout en jouant sur une texture « cinéma » du meilleur effet. Visuellement ébouriffant, bien pensé, Rango perd de sa superbe en voulant trop plaire. Bizarre, c'est justement l'un des traits de son personnage principal.





