Futur membre imposant du groupe des vengeurs, le puissant Thor apparaît dès sa naissance comme un personnage à part au sein du panthéon de Marvel, puisque existant bien avant sa réinvention par Stan Lee et Jack Kirby (il doit surtout beaucoup à ce dernier, d'ailleurs). A son univers mélangeant les mythes et légendes nordiques, mais aussi une vision psychédélique et technologique du divin, viendra peu à peu s'intégrer une vision plus classiquement super-héroïque, sans que jamais les lecteurs ne soient convaincu de cette orientation.
Produit directement par Marvel via sa structure cinéma, Thor le film se montre particulièrement fidèle à ses origines de papier, opérant une compilation visuelle et thématique de plus de cinq ans de publications. Mais aujourd'hui encore, force est de constater que les deux angles des aventures du dieu de la foudre peinent cruellement à cohabiter avec fluidité. Ainsi, en dépit de la participation d'une très jolie (mais invisible) Natalie Portman et d'un Stellan Skarsgard (Dogville) amusé, toutes les séquences du film dans le monde réel s'étalent péniblement dans des situations entendues, quelques petites notes d'humour distancié et surtout un kitsch incroyable où militaires et dieux en excursion semblent tout droit sortit du nanar Les Maîtres de l'univers (le pitch est d'ailleurs assez proche). Plombé par une mise en scène carrément flemmarde dès lors qu'il faut réveiller la bête, ce Thor passe à côté du premier climax (Thor Vs Le Destructeur) en le montant comme un dialogue de L'inspecteur Barnaby, avec montage en décalé et effet spéciaux pas franchement mieux utilisés que dans une production Asylum. C'est triste et ça s'étiole carrément lorsqu'il faut jalonner les futurs ingrédients du crossover cinématographique Les Vengeurs. S'étant déjà lamentablement planté lors de sa mise en scène du Frankenstein de Francis Ford Coppola, il était prévisible que Kenneth Branagh ne se révèle pas franchement à l'aise avec une certaine modernité (celle que l'on attend d'un divertissement familial et moderne en somme) et une action spectaculaire.
Heureusement, le metteur en scène des flamboyants Hamlet et Beaucoup de bruit pour rien retrouve de sa verve dès lors qu'il s'agit d'illustrer le drame shakespearien qui se trame en Asgard. On a ainsi droit à un extraordinaire Anthony Hopkins, tout en subtilité et en autorité, et surtout une rencontre parfaitement réussie entre Tom Hiddleston dans le rôle du perfide Loki et Chris Hemsworth dans celui du fougueux Thor. Reprenant l'idée de Stan Lee qui faisait discourir ses personnages comme des héros issus d'une pièce de Shakespeare pour leur donner une plus grande solennité, Brannagh profite de son bagage culturel pour donner à cette tragédie familiale dans les cieux (ou sur une autre planète, rien n'est clair) les atours d'un Hamlet à l'envers. C'est le futur méchant Loki qui discourt sur sa nature et son destin, tandis que son demi-frère joue les fier-à-bras avec son marteau divin, non sans une certaine ironie. Dépeinte dans un décorum joliment théâtral malgré quelques penchants trop brillants (sans tomber dans les travers du Choc des titans version 2010), cette moitié de film montée en parallèle des phases terriennes retrouve un peu de la noblesse du comics et réussit à sauver un projet bancal. Même le réalisateur, outre des dialogues bien ciselés et classieux, parvient à se découvrir une certaine ampleur visuelle, soulignant avec efficacité les quelques merveilles qui constituent les terres d'Asgard. Thor paraît malheureusement bien pauvre aux côtés d'Iron Man, L'Incroyable Hulk ou Captain America, mais on peut heureusement ici déceler ce qui pourrait faire la force du personnage lors de son arrivée dans The Avengers.




