On n'attendait pas forcément Neil Jordan à la tête d'un Revenge Movie sans concession, et pourtant A Vif laisse entendre que le réalisateur d'Entretien avec un Vampire a encore beaucoup à nous offrir.
En filmant la trajectoire d'Erica Bain, poète radiophonique traumatisée par une agression tragique, Jordan a l'intelligence de contourner tous les pièges du genre popularisé dans les seventies par Charles Bronson ; la mise en scène des exécutions, si elle ne manque pas d'impact, n'est par exemple jamais jubilatoire. Ceci ne l'empêche pas de foncer tête baissée dans l'exploration des racines profondes dudit genre. Sous prétexte de polar et de drame, et sans moralisme facile, le cinéaste irlandais trouve ainsi une occasion rêvée de parler du virus des armes propre aux Etats-Unis, développant à l'écran une véritable relation entre son héroïne et son flingue, instrument de mort qui, peu à peu, va prendre possession de son existence.
Plus subtilement encore, Jordan va s'évertuer à dépeindre la ville de New York comme un organisme vivant, dont les parois, les couleurs et les lumières ne sauraient se figer à aucun moment. Promenant son Cinémascope dans un labyrinthe architectural comme peu de réalisateurs avant lui (les longues focales de Philippe Rousselot imposant un contraste étonnant entre le niveau de détail du premier plan et le flou quasi-généralisé de l'arrière-plan), Neil Jordan rejoint au détour de quelques séquences la viscéralité d'un Blade Runner ou d'un Dark City dans le portrait d'une mégalopole grouillante, aussi grandiose que profondément menaçante. Difficile donc, dans un contexte si artistiquement chargé, de ne pas se prendre de passion pour la quête de vengeance de rédemption d'Erica Bain, surtout lorsque le casting repose sur les épaules des sublimes Jodie Foster et Terrence Howard