Trop longtemps mal distribué en France et surtout amputé de deux séquences indispensables (un pacte de sang proche de la sorcellerie et le meurtre originel d'une fillette), Assaut est enfin disponible en France dans son montage intégral et dans une qualité d'image totalement inédite.
Premier « vrai » long-métrage de John Carpenter après Dark Star, film de fin d'étude foutraque et délirant cosigné par Dan O'Bannon, Assaut est comme toutes les premières œuvres des grands cinéastes une relecture des origines et références de l'auteur, mais aussi un terreau évident pour toutes ses productions futures. Tourné pour une bouchée de pain en trois semaines, Assault on Precinct 13 est un film d'action volontairement bis, surfant sur la vague de l'époque, qui réussit le croisement improbable et élégant entre le conditionnement économique (reprendre différents concepts du récents La Nuit des morts-vivants) tout en assouvissant une cinéphilie débordante, permettant notamment de rendre hommage au brillant Rio Bravo d'Howard Hawks. En résulte un rejeton étrange, qui cultive comme ses deux parents involontaires le lieu clos assiégé par une menace extérieure implacable, une masse incoercible. Dans les locaux du commissariat bientôt condamné (dans tous les sens du terme), on est amené à suivre quelques hommes et femmes dont les dialogues concis sonnent comme autant de munitions manquantes. Le scénario va à l'épure, à l'efficacité absolue, rapprochant d'autant plus ses figures de condamnés fatalistes de grands héros westerniens. Leurs valeurs sont similaires, tout comme l'esthétique globale, nourrissant à merveille un Panavision lent et éclatant, chargeant chaque image avec une plastique pure, ample et claustrophobique à la fois.
Tout le talent de Carpenter est déjà bel et bien présent, en particulier dans un montage (signé sous le pseudo John T. Chance, personnage incarné par John Wayne dans Rio Bravo) à la mathématique et à l'efficacité sidérante, rebondissant sur une bande sonore électronique entêtante et pesante. Une musique forcément composée par le cinéaste en personne, qui justement dénote avec la nature « logique » du film, l'éloignant autant du polar que du western basique pour l'entraîner vers un ailleurs inquiétant, une nouvelle frontière qui flirte avec un fantastique impalpable. Montrés comme une bande de trafiquants de drogue et d'armes dans l'ouverture, les assaillants perdent ainsi progressivement toute identité définissable pour devenir une masse sans visage, jaillissant du hors champ, s'insinuant presque dans le décor comme un virus, et devenant une menace aussi réelle et organique que la vision d'un mal parfait dont les rejetons feront rapidement leur apparition dans Halloween (Michael Myers use des mêmes techniques), Vampires ou le terrifiant Prince des ténèbres. Le mélange est en tout cas étonnant, d'une modernité évidente, qui permet au passage à Assaut de s'écarter naturellement du brûlot politique républicain qu'il aurait pu être, pour s'apparenter à une évocation plus universelle du combat du bien contre le mal, de l'ultime résistance d'antihéros blasés contre une menace purement cinématographique.



