Produit par la chaîne ABC au début des années 70, Don't Be Afraid of the Dark (ou Les Créatures de l'ombre par chez nous) est devenu un classique méconnu au cours des années, aussi adulé par certains que n'importe quel film de genre projeté en salle. C'est surtout une oeuvre dont la vision a littéralement traumatisé un Guillermo Del Toro adolescent.
Son projet de remake, Del Toro le trimbale dans ses cartons depuis presque dix ans, quasiment depuis le succès international de L'Echine du diable. Mais les films s'enchaînant (Blade 2, les Hellboy, Le Labyrinthe de pan pour faire court), la production est sans cesse remise à plus tard, laissant le cinéaste peaufiner son script (coécrit avec son camarade de Mimic, Matthew Robbins). Sans doute bien trop occupé à développer des projets sans lendemains (Les Montagnes hallucinées d'après Lovecraft, le diptyque Bilbo le Hobbit rendu à Peter Jackson), il confie finalement les rênes du long-métrage à un artiste de comics assez confidentiel mais ayant signé un court-métrage visuellement puissant. Troy Nixey aborde donc le film avec un soin graphique extrêmement poussé, recherchant manifestement à reproduire les ambiances sombres mais gracieuses des contes d'antan. Son travail sur les couleurs est impressionnant, jouant admirablement sur l'opposition entre la chaleur des intérieurs et la froideur des extérieurs, inversant ainsi la sensation pour le spectateur des zones de sécurité. Même regard sur la façon d'intégrer les personnages dans les lieux (jeux constants des « codes couleurs ») où vient s'incruster comme une plaie un noir ténébreux dont semblent jaillir (dans un premier temps du moins) des sons venus des temps anciens. Les décors sont parfaitement pensés, la réalisation est fluide et gracieuse, distillant un suspense bien dosé, les acteurs sont impeccables, constituant ainsi de très belles séquences dont une ouverture particulièrement marquante.
Mais que faire lorsque l'on est un jeune cinéaste et que le scénario du grand maître est manifestement bourré de fautes de goût ? On passera sur la résurgence de nombres d'idées, concepts et figures déjà vus dans la filmographie de Del Toro (les références à l'œuvre d'Arthur Machen, les tooth fairies vues dans Hellboy 2, la petite fille seule témoin d'un monde de magie...), le canevas imitant à l'envi des centaines de films de maisons hantées, pour rester stupéfait devant les lourdeurs et l'évidence même de l'écriture. S'évertuant à rejouer sur des ressorts archi-rabattus, Don't Be Afraid of the Dark use même jusqu'à la corde d'astuces dramaturgiques pauvres, laissant à un simple bibliothécaire le soin d'expliciter toute la trame, faisant un détour inutile vers un pédopsychiatre ou s'évertuant à tenter de donner corps à une mère absente. Jouant la surenchère, Del Toro étire sa trame sur plus d'une demi-heure supplémentaire par rapport au film de John Newland, multiplie le nombre de créatures croqueuses d'enfants et s'évertue à les étaler sans vergogne dès les premières vingt minutes passées. A force de tout montrer et de se disperser, le film distille trop ses effets, force sa durée et perd en chemin sa plus belle idée : Katie Holmes qui passe de la belle-mère forcée à une figure maternelle totale. La poésie réelle des images, la volonté de retourner à une horreur gothique à l'ancienne se retrouvent ainsi étouffées sous une couche bien épaisse de sursignification, de surexplication et de sur-lignage. Les fans du mexicain se convaincront sûrement que filmé par ses soins, ces pesantes fioritures auraient été coupées au montage. En l'état, le film profite de certains qualités mais aura bien du mal à marquer autant les esprits que l'oeuvre originale.




