Rares sont ceux qui n'ont jamais vu Le Jour le plus long. A moins d'avoir dormi près du radiateur toute sa scolarité, ce témoignage sur l'un des plus grands efforts de guerre de l'histoire moderne réussit en général à résumer de nombreuses heures de cours laborieux en trois heures de visionnage. Et si c'était aussi un grand film ?
On critique très souvent, et à juste titre, l'ancienne politique des studios américains post-nouvel Hollywood où les producteurs et les studios contrôlaient la création cinématographique d'une main de fer. Dans cet enfer des créatifs, les frasques sexuelles autant que les coups de colère de Darryl F. Zanuck étaient chose connue, mais sa technique invasive aboutissait régulièrement à d'énormes succès pour la Twenty Century Fox (entre autres) : Le Roi et moi, All About Eve, La Mascotte du régiment, Les Raisins de la colère, On murmure dans la ville... Une vraie machine à Oscars dont la gloire n'était pourtant plus qu'un souvenir lorsqu'il se lança au début des années 1960 dans le plus gros projet de sa vie : l'adaptation du roman Le Jour le plus long de Cornelius Ryan (également auteur de Un pont trop loin). Une production qui se veut une immense fresque puissante et luxueuse autour du débarquement en Normandie faisant appel à 42 stars internationales (ce qui fut le principal argument commercial de l'époque), chacun jouant un personnage de son pays d'origine : John Wayne dans le rôle d'un Lieutenant US, Sean Connery dans celui d'un soldat écossais, Bourvil qui symbolise avec humour la petite résistante locale...
Loin du simple document de propagande sur les atouts de l'armée américaine, Le Jour le plus long reste une œuvre d'une grande honnêteté sur le courage de tous les combattants de la liberté, venus de l'autre côté de l'Atlantique, subissant les bombardements de Londres ou agissant dans l'ombre au sein de la résistance française. Une vraie leçon d'histoire, faste et complexe, où se croisent une multitude de personnages et de situations aussi connues que les parachutistes se faisant massacrer au dessus de Sainte Mère l'église ou la réception des messages codés annonçant le Jour J, mais aussi de nombreux détails à échelle humaine permettant au spectateur de s'impliquer émotionnellement. Un tel souci d'exhaustivité n'est pas sans occasionner quelques soucis dans le rythme général et pousse forcément le scénario à s'écarter de quelques moments moins glorieux, mais dans l'ensemble, ces trois heures de grand spectacle survivent plutôt bien aux années et vont jusqu'à surprendre de par quelques grands moments impressionnants, à l'image du débarquement lui-même (qui n'a pas à rougir devant celui de Spielberg) ou de la libération de Ouistreham. Epaulé par une équipe d'artisans solides et dociles, Zanuck a largement réussi son pari. Pas étonnant que Le Jour le plus long soit toujours diffusé dans les écoles en cours d'histoire ; on n'a toujours pas fait plus complet depuis.