Après la volée de bois vert reçue par le pourtant très honnête Royaume du Crâne de Cristal, l'intégralité de la saga cinématographique Indiana Jones s'offre enfin un coffret unique aux couleurs du Blu-ray. L'occasion de profiter de masters éclatants et de visionner les quatres films dans la même foulée pour mieux se rendre compte de leur impitoyable réussite.
Si la saga Indiana Jones est parvenue à s'inscrire comme toute bonne mythologie au plus profond de l'inconscient collectif planétaire, c'est déjà grâce à son savoureux mélange des genres, George Lucas et Steven Spielberg n'ayant jamais abordé l'Aventure comme une fin en soi. Ouvertement fantastiques, les récits des trois premiers films appellent de par leurs enjeux-mêmes un abandon immédiat de la part du public (la nature des objets que recherche le professeur Jones est révélée dès le premier acte), assurant dès lors une suspension d'incrédulité rarissime dans le genre, encore accentuée par le contexte historique de l'ensemble (les lointaines années 1930). On notera de plus le traitement particulièrement judicieux des artefacts tant convoités, et leur valeur allégorique à l'écran : l'Arche d'Alliance entre bien sûr en conflit immédiat avec le démon Nazi, la pierre de Sankara volée dans Le Temple Maudit symbolise la jeunesse perdue du village indien (cf. les enfants esclaves) et la quête du Graal du troisième opus est en définitive une quête intime, qui va amener Indiana Jones et son père à se retrouver.
Les meilleurs enjeux scénaristiques ne valant rien sans de bons personnages, Lucas et Spielberg donnent vie au fil des trois opus à une somme incroyable d'icônes, Jones en tête. Un héros immédiatement identifiable, dont la panoplie (un fouet, un pistolet, un chapeau, un sac en bandoulière, un blouson de cuir) est mise en scène comme autant de pouvoirs de super-héros, choix graphique qui le rend identifiable quelque soit le cadre, qu'il soit dépeint en silhouette ou en ombre chinoise. Campé par un Harrison Ford exceptionnel (dans le quatrième épisode compris), Jones est aussi perpétuellement poussé à la faute par les auteurs, les séances de torture scénique auxquelles il se plie rendant en définitive ses exploits d'autant plus héroïques. Face à lui, les sidekicks (Sallah, Demi-Lune, Marcus Brody, Henry Jones), pépées (Marion, Willie Scott, Elsa Scheider), grands méchants (Belloq, Mola Ram, Donovan) et hommes de main (Tot et consorts) se bousculent, et se disputent avec jubilation la vedette à l'écran.
Ce qui caractérise enfin la saga Indiana Jones est le sens unique avec lequel Spielberg aborde l'aventure et l'action, le cinéaste inventant quasiment avec la course-poursuite des Aventuriers de l'Arche Perdue la notion de morceau de bravoure. Serialesques en diable (mon dieu, parviendra-t-il à sauter du tank avant que celui-ci s'effondre dans la falaise ?!), savant mélange d'effets spéciaux pratiques, de trucages visuels et de cascades suicidaires (Vic Armstrong traîné derrière un camion dans le premier opus, le pont suspendu qui se rompt dans le second, les vols planés en moto du troisième), les scènes d'action d'Indiana Jones poussent plus loin la moyenne, jusqu'à embarquer le public dans une frénésie de mouvement. Frénésie à laquelle se plie avec virtuosité la caméra de Spielberg, dont la virtuosité, le sens du cadre et la soif de durée auraient dû inspirer la jeune génération de cinéastes, hélas plus motivée par les coupes de montage systématiques à la Michael Bay. Bercée par un mercantilisme omniprésent, des effets numériques à foison et une bande sonore mimant les émotions des personnages (un héros est blessé ? Chœur féminin. Il se relève ? Hard Rock !), cette génération Transformers a effectivement eu bien du mal à comprendre Indiana Jones 4 !
Car après tant d'années, beaucoup de choses ont changé. Jones a vieilli et est désormais un vieux professeur un peu largué, plus pataud, qui peine parfois à prendre le pas dans les scènes d'action attendues. Il se fend de quelques prouesses tout de même avec une ouverture magnifique qui renvoie aux Aventuriers de l'Arche Perdue. Pour le remplacer dans les scènes les plus spectaculaires, il faut désormais compter sur un certain Mutt, le propre fils caché d'Indy (un Shia Laboeuf aux faux airs Marlon Brando). Une fausse trahison directement inscrite dans la logique de passation de fouet du Temple maudit avec son fils adoptif ou dans celle de la description des enjeux d'une famille hors du commun façon La Dernière Croisade... mais ou les retrouvailles avec Marion Ravenwood se délivrent après que « l'American Family » vient de se faire pulvériser par un test atomique. Sur fond d'Histoire et de mythes UFOlogiques (absolument pas hors sujet pour qui connaît la série Young Indiana Jones et les romans), Le Royaume du Crâne de Cristal repose sur une trame étonnement imposante, riche, et qui risque de faire perdre le fil aux moins attentifs entre trois vannes et des scènes d'action souvent anthologiques. Une poursuite dans la jungle amazonienne qui renvoie immédiatement aux meilleures scènes du King Kong de Peter Jackson, un duel à l'épée qui écrase en un plan-séquence foudroyant les trois Pirates des Caraïbes... Si notre cher Indy a pris un petit coup de vieux, on peut dire que Spielberg, lui, tient encore et toujours la forme. Il conçoit manifestement son 4ème épisode comme une nouvelle attraction cinématographique à l'esthétique irrésistiblement pulp, dont certaines images semblent tout droit tirées de couvertures de romans de gare des fifties ou d'un album de Tintin. Alors oui, les images de synthèse gênent un peu, mais pourtant Indy est bien là, avec pas mal de rides en plus et des cheveux blancs, mais aussi une patate intacte. Un aventurier immortel. Vivement le 5ème !





