Cinéaste artisan ayant œuvré dans (presque) tous les genres possibles, le canadien Norman Jewison n'avait encore jamais réalisé de biopic. C'était enfin chose faite avec ce film nous racontant la vie, et le combat, d'un boxeur au destin contrarié.
Le film de boxe, souvent associé au biopic, est l'un des sous-genres les plus exploités de l'histoire du cinéma hollywoodien. Martin Scorsese, Robert Wise, Michael Mann, Clint Eastwood, Sylvester Stallone... La liste est longue des cinéastes importants ayant apporté leurs pierres à un édifice fait de symbolique pugiliste (le combat sur le ring comme métaphore du combat intime des personnes), de drame réaliste et de performances axées sur l'implication physique. Qu'ils explorent les démons de « héros » autodestructeurs (Raging Bull, le Fighter de David O. Russell) ou qu'ils mettent en valeur des personnalités hors du commun (Ali, Rocky Balboa), les films de boxe ont toujours eu cette faculté cathartique propre aux grands films de genre. Artisan hollywoodien n'ayant pas grand-chose à prouver en termes d'efficacité narrative, Norman Jewison s'inscrit en un sens dans cette tradition, à la différence que les combats de boxe, et la carrière sportive de son protagoniste, ne l'intéresse pas particulièrement. Car il faudra attendre la seconde partie de l'histoire pour que le propos réel du film se dévoile.
Il y a deux films, dans ce Hurricane Carter. Le premier raconte l'histoire de Rubin « Hurricane » Carter, de son enfance délinquante à son incarcération pour meurtre. Récit subjectif, cette première partie se caractérise par une mise en scène héritée des grandes heures du film noir hollywoodien : photographie se jouant des clairs-obscurs, partition flamboyante de Christopher Young, interprétation légèrement cabotine des seconds rôles (Dan Hedaya)... Tout y respire l'amour du cinéma, quand bien même le procédé des combats en noir-et-blanc tant un peu à la redite. Mais c'est quand il dévoile les quatre autres protagonistes de son film que Jewison indique où il veut vraiment en venir. Beaucoup plus classique, tant en terme de mise en scène que de narration, la seconde partie de l'histoire interroge alors le spectateur, en le mettant face aux choix de personnages extérieurs découvrant par le témoignage le combat d'un homme seul contre tous. Une leçon de civisme, forcément très naïve et orientée, mais dont la fraîcheur et la candeur doivent tout à l'implication de Denzel Washington, ici dans l'un de ses meilleurs rôles.
A la fois biographie romancée, plaidoyer sincère et drame classique, Hurricane Carter est à l'image de son réalisateur : appliqué, efficace, bien sans génie aucun. Un bon film, quoi.


