Petite marotte de chez nous, Ray Harryhausen n'a pas attendu longtemps avant que son travail n'influence d'autres cinéastes. Dès les années 60, ébahis par Le Septième voyage de Sinbad ou Les Voyages de Gulliver, un certain Bert I. Gordon transformait lui aussi l'écran de cinéma en livre d'images fantastiques pour une Epée enchantée, un peu toc, mais définitivement magique.
Pas un débutant le bonhomme d'ailleurs, puisqu'il connaissait de son coté quelques jolis succès dans les Drive-In avec des titres comme Le Fantastique homme colosse (et sa suite) ou Earth vs. The spider, avant de faire sa fortune quelques années plus tard avec l'attachant Soudain les monstres. Un spécialiste du « gigantisme » et des effets de transparences préférant à la stop-motion époustouflante de son contemporain des acteurs planqués dans des costumes plus ou moins convaincants et des marionnettes tâtonnantes à l'image du dragon à deux tête final de cette Epée enchantée. Pas très convaincant de prime abord, mais cet aspect enfantin, de bric et de broc, fait partie de l'identité du programme, vision fantastique du film de chevalerie, comme si la légende de Saint George s'était transformée en conte de fée familial. Habité d'une photographie rutilante dans des décors de studio particulièrement grandioses (le marais est splendide), il confère à cette aventure terriblement linéaire et naïve une atmosphère agréable, nostalgique, rappelant immédiatement aux connaisseurs la BD Prince Valiant de Hal Foster.
Mais là où l'adaptation officielle poussait négligemment du pied tous les éléments féeriques sous le tapis, le film de Gordon les embrasse volontiers et y met même une fougue déroutante. On reconnait parfaitement les vilains nains qui font « bouh ! » à la princesse pour lui faire peur, les effets d'apparition / disparition digne de Ma Sorcière bien aimée, l'utilisation abusive de l'épée et de l'armure magique, mais sous ces dehors de classicisme, le film a souvent tendance à déborder. Annonçant l'excentricité des futures bandes déviantes italiennes (la fameuse saga La Caverne de la rose d'or, voir Barbarian), L'Epée enchantée compense le manque de charisme du jeu premier (Gary Lockwood, juste mauvais, il se rattrapera sur 2001) et les effets de bras du grand Basil Rathbone (le Sherlock Holmes de l'époque) en garnissant l'aventure d'un érotisme étonnant montrant un Sir George enchainé torse nu, un chevalier français ne tardant pas à sauter sur une jolie paysanne et surtout une sortie de bain qui s'attarde un peu trop sur les sacrés arguments de la Princesse Hélène. Un poil polisson, le métrage détonne aussi et surtout pour ses infiltrations graphiques des codes de l'horreur avec des perspectives inquiétantes, des créatures plus qu'étranges (des siamois, des serviteurs aux cranes en formes d'œufs), des effets de maquillages très poussés dont une sorcière qui annonce celle de L'Armée des ténèbres de Sam Raimi, voir même quelques glissements gores lorsque deux preux chevaliers sont brulés vifs. Détonnantes, ces envolées délicieusement bisseuses donnent un vrai relief à un divertissement très kitch mais finalement assez irrésistible.



