Plus que jamais depuis l'arrivée de Daniel Craig, les bondophiles ont légitimement tendance à taper sur la période Pierce Brosnan, composée de quatre métrages bourrés d'hésitations et symptomatiques de la conception hasardeuse du divertissement made in 1990's. Pourtant tout n'était pas à jeter, loin de là, même si effectivement ce n'est par l'essai de Michael Apted qui va calmer les détracteurs.
Troisième Bond pour Pierce Brosnan et déjà la direction prise par la série montre des signes de fatigue. Après un Demain ne meurt jamais largement perfectible mais réjouissant dans ses excès (et les gambettes de Michelle Yeoh), Le Monde ne suffit pas peine à trouver le ton juste. L'acteur, toujours impeccable dans son incarnation mi-froide mi-séductrice, se fait balader dans un épisode qui tente de se rapprocher de ses racines, avec un petit aspect espionnage pas désagréable. Mais grand spectacle made in Hollywood oblige, le blockbuster tire au même moment la couverture vers le grand spectacle décomplexé en alignant mécaniquement les prouesses physiques et pyrotechniques. Un jeu d'équilibriste que les productions Broccoli ont appris depuis longtemps à maîtriser mais qui semble méchamment déstabiliser le réalisateur Michael Apted, plus habitué aux ambiances feutrées et inquiétantes du thriller cérébral de l'acabit de Gorky Park ou Blink.
Encombré dans des scènes dialoguées caviardés de bons mots tour-à-tour heureux et limite gros beauf, Apted se montre littéralement dépassé par la mise en place des morceaux de bravoure attendus. Poursuite à ski, duel de bateaux sur la Tamise, gunfight dans une usine désaffectée, final cloisonné dans un sous-marin...Les habitués reconnaîtront facilement ici une sorte de compile mal dissimulée, et qui plus est shootée sans énergie aucune, réussissant même à offrir un combat aux poings aussi puissant qu'une scène de bagarre dans Navarro. Un passage d'autant plus douloureux qu'il oppose Brosnan au grand méchant de l'affaire, un terroriste des pays de l'Est interprété timidement par l'écossait Robert Carlyle, dont on se demande ce qu'il peut bien faire dans cette galère. Un Bond troisième âge en somme, où même la solide Judi Dench ne peut cacher son ennui, qui ne fait pas véritablement honneur à l'œuvre de Ian Flemming. On notera cependant qu'y apparaît l'une des rares figures féminines foncièrement machiavéliques et manipulatrices de la saga. Un personnage troublant et inédit, prenant le visage plastiquement irréprochable de Sophie Marceau, mais aussi son sens de la comédie... dommage.