Dans l'univers de plus en plus générique du polar Sud-Coréen, il arrive qu'un film sorte du lot. Et c'est le cas de celui qui nous intéresse ici, témoin d'une approche plus ambitieuse et mature du genre policier.
Construit sur la base d'affaires réelles, Nameless Gangster n'est donc pas un thriller virtuose, plutôt un authentique film de gangster, ancré dans un contexte socio-politique apte à servir un scénario efficace et documenté. Rise and fall assez classique dans sa construction, le troisième long-métrage de Yoon Jong-bin entend illustrer la soif de pouvoir et de reconnaissance d'un douanier corrompu. Associé à d'authentiques mafieux sud-coréens et japonais, ce personnage peut sympathique, volontiers lâche ou provocateur, permet au cinéaste de montrer de l'intérieur la déchéance d'un système corrompu. Dans la peau de cet arriviste alcoolique, Choi Min-sik campe une sorte de Tony Montana coréen, qui comme Henry Hill des Affranchis, aurait « toujours voulu être un gangster ». Plus sobre (quoique...) que dans Oldboy ou J'ai rencontré le Diable, Choi donne du corps à cet homme qui se voyait plus grand qu'il ne l'est, et qui finira rattrapé par ses démons lorsque le gouvernement entrera en guerre contre le crime organisé, à l'orée des années 90.
Avare en scènes d'action, plus porté sur la description minutieuse de son contexte, Nameless Gangster n'en néglige pas pour autant les rouages du genre. Ses personnages sont de vrais malfrats, charismatiques en diable, capable d'organiser de violentes expéditions punitives (l'assaut de la boîte de nuit, une scène brutale et significative) et les trahisons succèdent aux manipulations. En faisant le parti d'une narration éclatée, qui entremêle le présent (l'arrestation du personnage et ses conséquences) et le passé (ses larcins à la douane et sa rencontre avec son neveu, interprété par le très bon Ha Jung-woo, de The Chaser), Yoon Jong-bin dresse le portrait complexe d'un homme et d'un pays gangrené par la consanguinité et l'avidité. Portrait qu'il parvient à tempérer en privilégiant un classicisme formel bienvenu, quand bien même le film aurait gagné à être tourner en Scope. Il aurait peut-être pu ainsi gagner en ampleur, et se rapprocher des chefs-d'œuvre du genre, auxquels il rend hommage avec talent. Car en l'état, Nameless Gangster s'apprécie pour l'excellent film qu'il est, et qui aurait grandement mérité, une fois n'est pas coutume, à sortir dans nos salles obscures.



