Film culte aux USA pour une jeunesse traumatisée par l'omniprésence de La Guerre Froide et la menace nucléaire, L'Aube Rouge a toujours été rangé parmi les nombreuses bobines de propagandes anti-coco qui pullulaient à l'ère Reagan. Mais 30 ans après, si le film est toujours aussi fort, c'est justement parce qu'il ne se résume pas à un essai réactionnaire.
Précieusement inscrit dans son époque, le scénario de L'Aube rouge, écrit par un tout jeune Kevin Reynolds (futur réalisateur de Robin des bois et Waterworld) se base sur les scénarios catastrophes développées par l'armée américaine pour se préparer à une potentielle invasion par les pays communistes. L'Amérique seule face aux rouge, un thème largement déjà exploités dans Rambo II, Firefox ou Invasion USA (et beaucoup d'autres moins regardables) mais qui ici marque immédiatement par son rapprochement avec l'anticipation (voir les textes préambules terriblement crédibles) et surtout la confrontation directe de la chère jeunesse ricaine avec une réalité pourtant lointaine. L'ouverture marque le pas avec une armée de parachutiste qui atterrissent au milieu du stade de foot en plein cours sur les manœuvres militaires Mongols, confrontant immédiatement la théorie ennuyeuse (les ados baillent dans la classe) et une réalité tétanisante qui débouche sur un massacre dans toute la ville frontalière de Calumet. La civilisation du colosse imprenable vacille et menace de s'effondrer. A la jeunesse dorée de la new wave, des yuppies, du consumérisme galopant et de l'adolescence éternelle de prendre les armes pour leur propre sécurité tout d'abord, puis pour se lancer dans une mission de guérilla qui va peser sur l'issue finale. Quand une bande de gamins dépareillées met à mal une armée entière de militaires chevronnés russes et cubains, on croit rêver.
Pourtant si le postulat est effectivement une charge patriotique digne des saillies en interview du réalisateur John Milius, toujours prompt à en rajouter outrancièrement sur sa fascination militaire et nationaliste, L'Aube rouge est surtout une nouvelle fois une œuvre sur la survie, sur la nécessité du retour à un certain état primaire de l'être humain. Scénariste des magistraux Apocalypse Now et Jeremiah Johnson (dont certains plans sont ici presque identiques), et réalisateur notamment d'un éblouissant Conan le Barbare sorti deux ans plus tôt, L'Aube rouge est clairement une prolongation des élans libertaires de son cinéaste, plongeant moins ses jeunes héros dans un drame géopolitique terminal, que dans un survival puissant les obligeant à redécouvrir la vie au cœur de la nature (première partie), puis à se redécouvrir en donnant corps à leur courage et à leur volonté de vivre (second partie), et ce jusqu'au sacrifice ultime. Habillé des atours d'un actionner musclé et clinquant de l'époque, L'Aube rouge ne cesse de se redessiner, s'écartant efficacement de l'aspect BD d'un Rambo II, pour cultiver une réalisation plus sèche, ample pour s'étirer vers une universalité touchante, et donc à adoucir progressivement le manichéisme premier en montrant la lente chute de l'un des jeunes héros, happé par la mort et la vengeance, alors que certains gradés ennemis laissent apercevoir une sympathie certaine pour cette résistance juvénile. Impossible d'ailleurs de résister au charisme évident d'un casting de jeunes stars, certes encore parfois excessifs lors des séquences émotions, mais brillants reflets d'un renouveau hollywoodien qui prend les visages de Patrick Swayze (Point Break, Dirty Dancing), Lea Thompson (la trilogie Retour vers le futur), Charlie Sheen (Wall Street, Young Guns), Jennifer Grey (La Folle journée de Ferris Bueller, Dirty Dancing... et oui, déjà), ainsi que des oubliés C. Thomas Howell et Darren Dalton pourtant tout juste sortis du succès de Outsiders avec Swayze. Un réel atout pour un métrage de toute façon bien plus recommandable que sa réputation sulfureuse ne le laisse penser, film éminemment personnel pour John Milius, mais qu'il déguise efficacement sous les apparences d'un film de guerre tendu et musclé, spectaculaire autant que minimaliste, qui, comme l'horrible remake l'atteste, se bonifie clairement avec l'âge.



