Toujours au cœur des grandes modes musicales, l'Angleterre résonnait dans les années 70 aux effluves glam rock d'une scène bariolée, extravagante et déstructurée. Une ère musicalement bénie que Todd Haynes ressuscite dans Velvet Goldmine, évocation d'un grand fantasme nostalgique.
Fantasme car Velvet Goldmine n'est pas un énième biopic qui tente de fourrager dans la "vraie" vie d'une ancienne star, mais bien une vision éminemment personnelle d'une période où il fut lui-même l'un de ces petits fans obnubilés par le look, la personnalité et les expérimentations musicales de ces créatures étranges qui réveillaient le Royaume-Uni. La découverte de la trajectoire de l'iconique Brian Slade se fait donc par le biais du journaliste Arthur Stuart (Christian Bale) pour qui chaque rencontre, chaque interview, éveille en lui, telle une madeleine de Proust, des souvenirs de son propre parcours d'adolescent en mal d'identification, mais aussi des visions qui confinent souvent au fantasme pur. Un prisme déformant qui souligne les apparats clinquants, flashys et pailletés d'une scène musicale mêlant théâtralité, dandysme et rock décomplexé, tout autant que la nature évanescente, en creux. L'illusion, l'image, le glam-rock, puisque c'est ce dont il est question, est revécu comme un vertige fugace dont il ne reste plus grand-chose dès la décennie suivante. Constat dur et amer, qui finalement n'est rien d'autre que celui d'un ado voyant son innocence envolée, mais où éblouie constamment une lumière vive, brillante et une atmosphère électrique.
Si Todd Haynes (I'm Not There, Loin du paradis) a longtemps essayé de convaincre David Bowie de léguer les droits de ses chansons emblématiques, le fait est que son refus joue totalement à la faveur de l'expérience du métrage. Brian Slade est bel et bien une réminiscence du Bowie androgyne période Ziggy Stradust, le punk Curt Wild se déhanche tel Iggy Pop et le film cajole de nombreuses allusions à des ingrédients avérés (Dublin, la période berlinoise, la conférence « scandale »), mais le décale constamment y imprégnant des notes de Lou Reed, de Warhol et, plus étonnant, de Kurt Cobain. Comme la romance exacerbée entre les deux idoles qui remplace celle de Bowie et Mick Jagger, les chansons qui structurent immanquablement le voyage du film sont des reprises d'autres artistes, des tubes qui du coup traversent les années et les sources sous les élans acidulées de Brian Eno, Placebo ou The Venus in Furs. Un immense kaléidoscope autant visuel que musical, qui ne cesse d'onduler au rythme des performances impressionnantes des jeunes acteurs (le couple Ewan McGregor / Jonathan Rhys Meyer sets magnifique) épaulé par une éclatante Toni Collette (Muriel) et le trop rare Eddie Izzard en fac-similé du redoutable Tony Defries. Du grand show autant sur scène qu'en coulisse que le réalisateur imbrique littéralement dans un jeu effarant entre le réel, la rêverie, le conte pour adulte (le ciel étoilé, la forêt magique...), la dystopie Dickienne (le regard noir sur les 80's) tout en le caviardant avec talent de réinventions des mises en scène outrancières des vidéo-clips décadents et romantiques de l'époque. Forcément savoureux pour les fans de glam-rock et les amateurs de grande musique rock, Velvet Goldmine s'approche au plus près de l'impalpable, du faux-semblant glitter, en montrant autant sa part d'ombre, que son ébouriffante vitalité.





