Intitulé de manière opportune Comtesse Dracula, sans doute pour drainer quelques fans de Christopher Lee dans les salles, cette production Hammer du début des années 70 fut l'un des grands échecs commerciaux de la firme qui tentait là justement, de s'écarter un peu de son cahier des charges.
On le dit et on le redit, au début des 70's l'ancienne gloire anglaise entame sa lente chute, totalement dépassée par le renouveau de l'horreur américaine initiée en 68 par La Nuit des morts-vivants et Rosemary's Baby. L'idée est donc double (et combine parfois les deux), soit de se livrer à des excès horrifiques plus graphiques (un peu de gore n'a jamais fait de mal à personne) soit de se livrer à un érotisme jusque-là surtout sous-entendu, en dégainant les corps affriolants des scream-girls locales. Clairement Comtesse Dracula est de ceux-là, offrant le rôle titre à la somptueuse Ingrid Pitt, actrice d'origine polonaise dont la vie trépidante (et tragique dans ses premières années) ne se décèle jamais sous son sourire éclatant. Une actrice à la beauté qui crève l'écran, véritable amoureuse du ciné de genre et qui a prouvé à mainte reprise qu'elle n'avait pas froid aux yeux. Après un alléchant The Vampire Lovers et avant de rejoindre le cultissime The Wicker Man, Pitt s'imposait ici avec sensualité dans le rôle d'Elisabeth Bathory (renommé Nodosheen, mais personne n'est dupe), référence de Le Fanu et Bram Stoker, à laquelle la légende historique attribue le meurtre de plus de 600 vierges dans le seule but de préserver sa jeunesse.
Des bains dans une baignoire emplie de sang, qui donne au film sa plus belle séquence lorsque les deux prétendants la découvrent nue en train de se badigeonner le corps avec l'hémoglobine de sa dernière victime. Sexy, le film l'est assurément, mais le jeune réalisateur Peter Sasdy qui venait tout juste de signer Une Messe pour Dracula, ne semble pas franchement intéressé ici par les ingrédients gothiques du scénario, préférant se consacrer au triangle amoureux entre une Comtesse passant d'une vieillesse maquillée à une jeunesse ferme et fougueuse, et ses amants : le vieux capitaine de la garde (excellent Nigel Green) et le jeune premier Imre Toth (assez fade Sandor Elès). Une couguar avant l'heure, moins monstrueuse que victime de sa propre folie, obsédée par sa quête de la jeunesse éternelle, la nécessitée de séduire, qui imprègne le film d'une jolie mélancolie, plutôt que d'une ambiance angoissante attendue par le public de l'époque et les clients de la Hammer. Mis en scène avec un certain académisme par Sasdy, bercé par les compositions romantiques d'Harry Robertson (Les Sévices de Dracula) et classement installé dans des studios de Pinewood transformés en évocation d'une Hongrie épurée (non sans clichés tout de même), Comtesse Dracula, n'est certes pas le film le plus mémorable de la Hammer, mais reste une production soignée dont la plus belle des qualités est sans doute d'être entièrement dévouée à son icône Ingrid Pitt.



