Les petits détournements des distributeurs français pourraient faire passer cette production pour une nouvelle aventure pointue du mythique comte, mais point de Dracula dans Les Sévices de Dracula. Reste les sévices...
Et si le bien mieux nommé Twins of Evil en anglais, ne fait pas partie de la chronologie du baron de Bram Stoker, il est cependant à inscrire parmi la trilogie Karnstein produite par la Hammer au cours de l'année 1971 aux cotés de The Vampire Lovers et Lust for a Vampire. Deux adaptations libre du Carmilla de Le Fanu qui s'intéresse à la belle Mircalla Karnstein et ses joyeux descendants vampires, mais qui surtout marquent la nouvelle orientation du studio, préservant ses atours gothiques classiques, mais y insufflant un gore plus figuratif et surtout un érotisme omniprésent. Conclusion du triptyque (un quatrième opus fut un temps envisagé), Les Sévices de Dracula, pouvant sans aucun souci être vu indépendamment, fut cependant le seul à être diffusée dans nos salles et sonne, malgré son trop fréquent statut de Hammer mineur, comme l'aboutissement de la série. Tout d'abord grâce au travail visuel extrêmement notable du jeune John Hough (La Maison des Damnés, Les Yeux de la forêt, American Gothic...) qui fait déjà preuve d'un grand sens des compositions dans le cadre (le placement du crucifix rouge brûlant, la mise en valeur des décors imposants) et une certaine prédilection pour les ambiances faussement nocturnes et étranges. Un travail admirablement épaulé par la photographie profonde de Dick Bush (Tommy, Victor Victoria) et la bande originale puissante et étonnamment épique d'Harry Robertson (Comtesse Dracula) dont le thème principal est un des grands classiques multi réédité en CD par la Hammer. Une très belle facture, classieuse et élégante, qui justement sert de chevalet à une toile qui ne l'est pas.
Plutôt dynamique et moderne dans son montage, Les Sévices de Dracula n'affiche qu'un érotisme très symbolique (mmm la bougie) ou sensuellement suggéré (transparences des robes de chambres, décolletés pigeonnants, vêtements qui s'entrouvrent rapidement), mais frappe par la charge sexuelle qu'il étale constamment. A l'image d'un Cirque des vampires déjà plutôt chaud bouillant, le film de John Hough prend plaisir à donner corps à des vampires obsédés par le stupre et le sexe opposé. Un peu caricatural, mais adapté, le Conte Karnstein incarné par Damian Thomas (Pirates !) ira même jusqu'à copuler avec son ancêtre Mircalla revenue d'entre les morts pour devenir à son tour un suppôt de Satan! Et ce n'est pas beaucoup mieux du cotés des dévots du seigneur qui vont pendant près de la moitié du film brûler sur le bûcher de pauvres demoiselles innocentes sous le regard fou et fiévreux d'un Peter Cushing aussi illuminé que Vincent Price dans Le Grand inquisiteur. Entre une morale assénée à coups de triques et de menaces vindicatives et une décadence de la chair personnalisée par un vampirisme libéré, les jolies jumelles Collinson doivent choisir. Deux plantureuses et aguichantes maltaises célèbres pour avoir été les deux premières sœurs à pauser nues l'une contre l'autre dans la revue Playboy, qui certes ne brillent pas forcément par leurs prestations (doublées pour des questions d'accent d'ailleurs), mais offrent des regards brulants qui traversent leurs yeux de biches. Sans compter sur leur plastique, esquissée certes, mais terriblement émouvante. A la manière du Justine où les infortunes de la vertu, grand roman ironique et libertaire du Marquis de Sade, elles sont par leur ressemblance physique troublante et par leur morale tranchée, chacune le reflet d'une voie possible : quand l'une cajole son crucifix et se rêve une amourette avec le gentil professeur d'école (David Warbeck, futur habitué du bis italien et de Fulci en particulier), l'autre court après la mort et le mal (ou mâle) pour retrouver son indépendance. Une dualité en miroir qui parcourt Les Sévices de Dracula et y dilue intelligemment le manichéisme propre au genre, achevant d'en faire l'un des fleurons de la dernière salve des productions Hammer.



