Sidonis continue d'explorer la fabuleuse filmographie de Mario Bava. Une excellente initiative d'autant plus que si L'Ile de l'épouvante ou le trop méconnu Les Chiens enragés sont bien signés de son nom, l'histoire est un peu plus complexe pour ce qui est des Vampires. Il était donc temps de rendre à Mario ce qui appartient à Mario.
Premier film fantastique italien d'après-guerre, le genre étant interdit sous Mussolini, Les Vampires reste un cas à part. Après quinze jours de tournage, son réalisateur, Riccardo Freda, décide de se barrer du set en claquant la porte et en laissant le film en plan. C'est donc son directeur de la photographie, Mario Bava, qui a la lourde tâche de réaliser la moitié du film restant en... deux jours. Truquiste de génie, Bava livrera finalement, clés en main, un classique du genre, prouvant ainsi l'importance qu'il aura par la suite dans le cinéma. Si l'influence du gothique est bien palpable à l'écran, il se mélange à un autre héritage, celui du néo-réalisme, et c'est ainsi que les thématiques restent contemporaines jusque dans leur traitement et que le film n'a pas pris une ride. Ce qui est assez marrant pour un film évoquant la jeunesse éternelle. D'ailleurs, c'est en changeant la flotte de la Fontaine de Jouvence que le film prend ses lettres de noblesse, réinventant un mythe en utilisant l'évolution de la science comme le fera quatre ans plus tard Franju pour Les yeux sans Visage. Que ce soit par la présence d'un journaliste qui enquête malgré l'ordre de ses supérieurs à l'intervention, par exemple, de la police scientifique, tous les éléments repris pendant les décennies à venir dans les thrillers sont déjà là.
Si le prétexte fantastique du film est influencé par les moeurs douteux de la Comtesse Bathory, c'est avant tout une histoire d'amour passionnée mais à sens unique qui guide le récit. C'est pourquoi le film doit également beaucoup au charisme de sa comédienne principale aux deux visages, Gianna Maria Canale, qui nous a quitté cette année et qui était alors la compagne de Freda dans la vie (Non, seulement il se tire du tournage mais en plus, il se tape la star. Bravo). A l'image, même sa transformation physique, superbe jeu de lumière de Bava qui imposa le noir et blanc du film, est encore saisissante plus de cinquante après. Le tout, dans les décors somptueux signés Beni Montresor. Les Vampires, classique intemporel sur les ravages du temps, marque donc le début de ce que sera la relation Freda / Bava puisque notre dévoué Mario devra à nouveau remplacer son caractériel metteur en scène sur Caltiki, le monstre immortel en 1959 mais surtout les prémices de ce que sera la force du cinéma de Bava quand ce dernier s'émancipera pour signer enfin de son nom ses films, en commençant par le cultissime Le Masque du Démon.