Apollo 13 fût, presque, contre toute attente l'un des plus gros succès de l'année 1995 aux USA, restant même aujourd'hui encore considéré un authentique classique, une référence cinématographiques sur les grandes heures de l'exploration spatiale. Des effets spéciaux toujours impressionnants, des acteurs de choix, une aventure humaine imparable... Oui, mais il y a aussi Ron Howard à la réalisation.
Devenu réalisateur, l'ex-ado star de Happy Days avait su rapidement se trouver une place confortable, et mérité, dans la lignée des imaginatifs George Lucas et Steven Spielberg. Si sa mise en scène, assez sobre et surtout modeste, ne faisait jamais d'étincelles, sont regard naïf et sincère sur une certaine idée du divertissement familial n'était pas dénuée de certains charmes comme l'attestent Splash, Cocoon ou Willow. Oui, mais voilà, Ron Howard avait d'autres ambitions, et va peu à peu s'embarquer vers des sujets plus adultes, où son style de yes-man appliqué et sa vision premier degré des grands spectacles américain va faire de lui autant un habitué des Oscar, qu'un adepte de la production larmoyante, pathos aux grands élans patriotiques. Un glissement largement amorcé sur Backdraft, mais qui trouve clairement son aboutissement avec Apollo 13, grand épisode historique des missions lunaires d'une Amérique en pleine Guerre Froide, dont l'échec spectaculaire va rappeler au monde que ces missions, malgré l'alunissage de 1969, n'ont rien de voyages touristiques. Clairement dans la succession d'épisodes dramatiques que connurrent les trois membres de l'équipage d'Apollo 13, toute l'intensité dramatique du film est déjà inscrite : les dégradations progressives de la navette, la fuite d'oxygène, la montée du froid spatial, le difficile retour sur terre et l'indispensable collaboration humaine, instillant un suspens naturel, évident. Un projet clef en main, qui d'ailleurs peut aboutir à quelques très grands moments, comme lorsque des techniciens sur terre jouent les McGyver de l'extrême pour mettre au point un purificateur d'air avec quelques pièces disponibles sur la station d'alunissage, avant d'en expliquer la fabrication à des cosmonautes médusés.
Incroyable mais vrai, semble constamment rappeler le film, s'achevant bien entendu sur un Happy End élogieux, martelé par la bande originale grandiloquente de James Horner (pas son œuvre la plus subtile), et qui a tout du rêve hollywoodien. Heureusement qu'en apesanteur, ou vissée dans les bureaux de la NASA, les acteurs males font preuve d'une retenue certaine, imposant au passage le charisme de pointures comme Kevin Bacon, Bill Paxton, Gary Sinise, Ed Harris et bien entendu Tom Hanks qui entérinait alors son revirement de carrière amorcé par Philadelphia. Un peu de sobriété dans un monde de mélodrame, où la femme de Jim Lowell ne cesse de voir des présages inquiétants ou que plus généralement les familles ne cessent de se pleurer dans les bras les uns les autres ou de regarder vers le ciel les yeux pleins d'espoir. On le reconnait bien là le futur Ron Howard de Un Homme d'exception, De L'ombre à la lumière ou de Da Vinci Code, martelant son émotion comme un artisan docile des années 40, emballant son grand spectacle dans une fabrication scolaire de premier de la classe. De quoi le faire ressembler dans ses pires moments à Armageddon. Heureusement au cœur de ce post L'Etoffe des héros, pré Gravity, reste une efficacité certaine dans les séquences spatiales, le plus souvent convaincantes, relayées par des effets spéciaux (beaucoup de maquettes, peu d'images de synthèses) qui reflètent un réalisme impressionnant, efficace, et oui aussi, prenant. On sait qu'Apollo 13 est une machine lacrymale, bêtement traversée d'élans javellisés, mais au final on se laisse avoir de bon cœur, emporté par ses quelques moments de bravoures.



