La collection des Introuvables n'a pas achevé sa mission puisque restent encore dans les cartons quelques bijoux du western italien de la grande époque. A l'instar d'El Mercenario, petit joyau du genre et naissance avérée du sous-genre du Western Zappata, où les enjeux politiques de la révolution mexicaine rencontrent les remous des années de plombs.
Reflet de l'époque et des affrontements idéologiques et physiques de la jeunesse gauchiste contre un gouvernement conservateur, le cinéma italien trouve un nouveau souffle à la fin des années 1960 et ce, même dans le genre populaire du western. Une ambition dont une large part est due au scénariste et future cinéaste Sergio Solima (Face à Face) qui voit avec El Mercenario un moyen d'explorer les raisons du soulèvement des masses populaires et de faire de l'Amérique centrale un modèle à suivre. Tout d'abord envisagé comme un manifeste théâtral par Gillo Pontecorvo (La Bataille d'Alger), le bébé fut finalement confié à un Sergio Corbucci plébiscité depuis l'explosif Django. Mais la sensibilité politique de l'homme derrière Le Grand Silence est bien moins partisane que l'autre Sergio et teinte dès lors le récit d'une ironie constante, biaisant ce portrait héroïque d'un Paco Roman (Tony Musante) dépassé et inexpérimenté. Le métrage joue alors les jeux des contrastes et surtout des parallèles avec le mercenaire Sergei Kowalski (extraordinaire Franco Nero) capitaliste invétéré, chantre des valeurs libérales américaines.
Un personnage immensément sympathique dont la méchanceté et la dureté affichée n'a finalement pour but que de révéler au jeune leader zappatiste la futilité, voire la stupidité de ses actions. Beaucoup de gris, une certaine distance et une bonne dose de second degré qui frôle souvent la parodie dans un opéra sauvage où se côtoient ridicule volontaire (le final dans un cirque, le méchant efféminé interprété par un Jack Palance surprenant) et fresque épique. Forcément en artisan génial, le cinéaste jongle avec habileté avec les ruptures de ton et livre, au détour d'un sourire en coin et d'un constat lucide sur la lutte des classes, un divertissement grisant : beauté des cadres, force du montage, plans iconiques, regard bleu électrique de Nero, colts qui fument, gatling qui vrombie, chevaux qui se cabrent... El Mercenario fait partie des plus grands westerns de l'histoire du cinéma, emporté qu'il est par les partitions inoubliables de monsieur Ennio Morricone. Ce succès retentissant lors de sa sortie en Italie donnera naissance à une vague (évidemment) inégale de Westerns Zappata, lancera la carrière de réalisateur du scénariste Sergio Sollima et surtout aboutira à une quasi-suite / vrai chef-d'œuvre, Vamos a matar Companeros, concoctée par la même équipe. Une date, tout simplement.