Deux ans après le très bon Captain America : Le soldat de l'hiver, les frères Russo reprennent les commandes de la série la plus qualitative des studios Marvel et adaptent l'un des plus gros event de l'histoire récente la maison des idées : Civil War.
Après un chamboulement majeur dans le monde des mutants avec House of M, le scénariste sans égo (sarcasme) Mark Millar se devait de créer un event bigger, better, louder pour succéder à celui de Brian Michael Bendis. Civil War voyait le jour il y a 10 ans et sous couvert d'une considération politique contextuelle évidente (dans le comic : le fichage de la population) Millar invitait tout le monde à se foutre un peu sur la gueule, en choisissant le camp de Captain America ou d'Iron Man. De politique, les frères Hugues en parlaient déjà dans Le Soldat de l'Hiver en lui insufflant l'esprit des grands thrillers conspirationnistes des 70's tel Les Hommes du Président ou autre 3 jours du Condor (la présence de Redford aidant). Avec Civil War, les frangins vont un peu plus loin, dissimulant sous un flot d'action continu une photographie de l'actualité de la politique internationale de bon nombre d'états et des actions menées pour assouvir un contrôle de plus en plus resserré sur la population, en l'occurrence « super héroïque » chez Marvel. Si le point de départ est légèrement différent que dans les comics (une explosion tuant des civiles lors d'une intervention) dû au changement d'origine des « détonateurs » (Les New Warriors sont remplacés par les Avengers) la finalité reste quasiment identique : le gouvernement et Les Nations Unies n'imposent pas une révélation des identités secrètes (il n'en existe quasiment aucune dans le MCU) mais entendent bien, à des fins sécuritaires, prendre le contrôle des Avengers. « La perte des libertés pour plus de sécurité », ce n'est pas vraiment la devise de Captain America. Pas celle de Tony Stark non plus, mais une prise de conscience de l'homme derrière l'armure d'Iron Man le force au compromis.
Au-delà de ces considérations politiques, le sujet principal du film est bel et bien cette prise de conscience sur les conséquences que peuvent avoir certains actes. Décriés depuis quelques films pour leurs scènes finales de destructions massives (Le Soldat de l'Hiver donc, mais aussi les deux Avengers ou encore Thor : L'Age des ténèbres), les studios Marvel se devaient de répondre à leurs détracteurs (et de tacler au passage la Warner et DC). Une façon de, non pas de rectifier le tir, mais d'assumer leurs choix en affichant une prise de conscience aussi bien artistique qu'intra-filmique. De l'avènement des super-héros ou la montée de dangers nécessitant une force supérieure pour être combattus, on ne sait pas vraiment qui de l'œuf ou la poule est arrivé le premier. Ce qui est certain, comme le démontre ici le personnage du Baron Zemo, remanié et interprété par Daniel Brühl, c'est que la frontière nous séparant du bien et du mal reste faible. Une frontière si faible que tous la franchirons démontrant une fois de plus l'importance du point de vue et de la remise en question. Pas besoin d'être un méchant mégalo et manichéen à la solde d'HYDRA ou d'une puissance galactique pour être l'antagoniste. Si Ultron était le monstre de Frankenstein créé par Stark, Zemo est celui né des actions de n'importe quel homme de pouvoir : Rogers, Stark ou Banner... tous sont responsables du jour où ils décidèrent de prendre les armes.
En alignant un rooster écrasant celui des Avengers, ce Civil War avait de quoi effrayer le spectateur en matière d'équilibre scénaristique et du temps de présence du Captain à l'écran. Il n'en est heureusement rien. Grâce à un habile scénario qui n'oublie pas qui reste le patron, le film ne perd rien de son identité, opposant bien Rogers et ses amis à un groupe d'antagonistes dirigés par Stark. Les nouveaux venus, Black Panther et Spider-man sont loin de faire de la figuration, permettant même à Peter Parker d'écraser en quelques scènes les derniers films Sony, livrant l'une des meilleures versions du personnage sur sa période adolescente.
Enchainant les scènes d'actions impressionnantes, d'une ouverture contre le terroriste Crossbones (qui annule toute spéculations sur la fidélité aux comics quant à la fin de l'histoire) à l'époustouflante scène de l'aéroport, les frères Russo assurent une fois de plus le spectacle, sans jamais tomber dans la surenchère comme l'avait fait Whedon sur Age of Ultron. Ayant justement repris le flambeau magnifiquement porté par ce dernier pendant deux films, espérons que les deux frères conservent leurs bonnes idées lors de la double conclusion de cette immense saga dans quelques années. Car entre la profusion de nouveaux personnages en provenance d'autres films (Dr. Strange, Captain Marvel...) et séries (Daredevil et ses potes de Netflix), l'équilibre risque d'être difficile à maintenir. Wait and see!






