Estampillé rapidement comme le renouveau du cinéma d'horreur et incroyable carton aux USA (tu m'étonnes) Get Out souligne encore une fois la prépondérance du « système » Blumhouse qui à force de résurrection va définitivement oublier ses Paranormal Activity.
Car si Get Out est un phénomène c'est en premier lieu celui de Jason Blum, producteur frénétique qui s'écarte de plus en plus de ses licences bas du front (Paranormal Activity, American Nightmare) pour donner les coudées franches à des projets plus ambitieux ou atypiques. Du viandard The Green Inferno de Tim Roth à la revanche d'un M. Night Shyamalan avec The Visit et Split, mais aussi le marquant Whiplash, une certaine vision du cinéma émerge, plus esthétique, consciente et politiquement incorrecte. Voilà évidement des attributs qui caractérisent d'emblée le Get Out de Jordan Peele, comique US, dont peu avaient sans doute perçu le potentiel de cinéaste et une vraie conscience politique derrière les pantalonnades Keanu ou la série Key and Peele. Ici le bougre envoie immédiatement valser les films d'horreurs américains sans esthétique ni esprit dès son ouverture, parfaite, plaçant brillamment les futurs enjeux à venir et ses références cinématographiques : une banlieue bourgeoise de nuit filmée en scope, un jeune homme noir qui s'y est paumé et espère ne pas croiser d'autochtones blancs et un croquemitaine atypique qui jaillit du hors-champs.
Mine de rien Get Out renoue (enfin) avec la force du cinéma d'horreur des années 70's mariant stylisation extrême (Carpenter est omniprésent) et une illustration manifeste de l'Amérique contemporaine et ses horreurs. Ecrits pendant l'ère Obama et finalement sortis en salle sous le début de règne de l'atroce Donal Trump, le premier essai de Jordan Peele n'en est que plus puissant, révélateur. Il transforme un weekend dans la belle famille WASP, mais qui se dit très ouverte, en cauchemar terriblement américain, remettant la question raciale en pleine face, évitant la facilité du racisme frontal en poussant à l'absurde celle plus pernicieuse de la discrimination positive. Très doué dans son rythme d'écriture, dans les alternances percutantes entre ironie, second degré, zones d'inconforts et jump-scare, Jordan Peele préfère bien souvent l'étrange, les regards douteux, les sourires coincés, les allusions embarrassantes, le tout culminant dans une garden party qui fait froid dans le dos. D'authentique vision de cauchemars, délicieusement perverses, au milieu desquels la révélation Daniel Kaluuya (un ancien de la série Skin) apporte une véracité et une finesse indispensable. Osé, efficace, Get Out l'est indéniablement, même s'il est encore habité par les petites maladresses de la première œuvre, perdant un peu de son équilibre avec un second rôle comique pas toujours dans le ton et une dernière bobine sans doute trop grand guignol pour préserver la tension initiale. Reste un authentique thriller d'épouvante et surtout un regard lucide porté sur de sinistres contemporains.



