A la fois plébiscité et villipendé par son adaptation "à la case" du 300 de Frank Miller, Zach Snyder récidive, et avec quel culot, en portant à l'écran le Watchmen de Alan Moore et Dave Gibbons, une oeuvre somme, métaphysique et politisante de l'univers Comics. Un pari perdu d'avance, mais qui réserve toutefois quelques jolies surprises.
Disons-le de suite, si Watchmen est le roman graphique le plus intéressant jamais conçu, il est aussi le plus inadaptable. Autant dire que le réalisateur Zack Snyder était attendu par une meute de fans : « En tant que geek, je consulte ce qui se dit, nous confie t-il. Comme je fais partie de cette communauté de fans, j'étais encore plus exigeant par rapport à moi-même » . Si ce graphic novel écrit par Alan Moore (V pour Vendetta) puisait sa force dans l'ambiguïté de ses personnages et dans un récit en forme de fresque, Snyder a su en garder l'essence tout en rajoutant un côté évidemment plus visuel. On notera ainsi une emphase de tous les instants qui, contrairement à celle de 300, décuple ici la portée iconique des aventures de Rorschach, du Hibou, du Comédien et de Dr. Manhattan. Des aventures qui frisent parfois l'abstraction la plus totale, n'hésitant pas notamment à explorer les couloirs temporels lors d'une introspection de dix minutes absolument bouleversante (n'en déplaise aux détracteurs, on imagine difficilement une meilleure adaptation du Chapitre IV du roman).
Cette logique contemplative trouve un savant contraste dans des scènes d'action barbares, sèches et terriblement sanglantes qui renforcent le climat menaçant, omniprésent dans le comics. Un comics que tous se sont respectés à ne pas trahir comme nous le confirme l'actrice Malin Akerman, qui interprète le Spectre Soyeux :« Pour construire les personnages, on pouvait consulter des exemplaires de Watchmen sur le plateau mais on avait surtout la présence de Zack, car pour faire un grand film, il faut un grand réalisateur. » Le comédien Jeffrey Dean Morgan, qui joue... Le Comédien, semble lui avoir travaillé son rôle autrement : « Je me suis rendu compte qu'entrer dans le costume m'aidait à créer le personnage car il y a une certaine relation d'amour et de haine avec cette tenue... surtout de haine (rires). » Au final, il n'aura fallu pas moins de 2h43 (plus de trois heures pour le Director's Cut, que ce Blu-Ray français ignore honteusement) à Snyder pour rendre justice à ces justiciers et réaliser cette fresque de science-fiction dont la densité n'a rien à envier aux grands romans classiques. Watchmen restera clairement comme LE film de super-héros de l'année 2009, confirmant le talent de Snyder après L'armée des morts et 300. On appelle ça le Coup du Chapeau.