Il y l'incontournable Sergio Leone, le renégat Sergio Corbucci (Django, Le Grand Silence) et le plus discret Sergio Sollima pourtant responsable lui aussi d'une trilogie western épique et flamboyante avec, entre Colorado et Saludos hombre (suite indirecte du premier), Le Dernier face-à-face sans aucun doute l'œuvre la plus ambitieuse du cinéaste.
Même s'il s'en est toujours défendu, le troisième grand Sergio du western italien, s'est clairement montré plus politique dans ses angles que ses compères Sergio Leone, l'opératique et Sergio Corbbuci, le baroque formaliste. Sans doute moins explorateur de formes et de figures visuelles, Sergio Sollima donc, qui excellera tout autant par la suite dans le polar urbain avec La Cité de la violence et La Poursuite Implacable, approche finalement le western à la fois comme un cadre cathartique permettant de révéler les errances de ses contemporains, mais aussi comme une dette de cinéphiles au grand cinéma américain, John Ford en tête, et aux figures minérales du cinéma japonais, Kurosawa en particulier. D'où ces constructions de plans rigoureuses, élégantes, cette cohabitation organique et sublime entre l'homme et des paysages naturels écrasants et grandioses. Charges héroïques, scène de danse collégiale, personnages moins hâbleurs que le reste de la production ritale, ce classicisme apparent apporte un maintien net au Dernier face-à-face, mais permet aussi d'en rendre le propos sous-jacent plus subversif encore. Car si le sublime Colorado (ou La Reisa di conti) était au départ une trame de polar adaptée au cadre plus dans l'ère du temps de l'ouest sauvage, le second opus de la « trilogie » aurait tout autant pu être tournée dans un contexte réaliste et moderne. Ce professeur d'histoire plongeant un peu trop fougueusement dans cette bande de outcast recherchée dans tout le Texas, aurait tout aussi bien être un prof de faculté, petit bourgeois fasciné par les communautés anarchistes qui éclosaient un peu partout en Europe en ce temps là. Un parallèle constant, mais jamais traité avec lourdeur, laissé en filigrane derrière une étude de caractères trouble et passionnante.
Celle de deux figures du western, l'intellectuel précieux et le bandit aux airs de mexicain, confrontant leurs origines, leur vécus, leurs visions du monde (le cérébral contre l'instinctif) et finissant forcément pas se croiser dans leurs trajectoires personnelles. Beauregard va se découvrir un sens de la morale et un humanisme qu'il ne se connaissait pas, alors que Brad Fletcher va s'enfoncer peu à peu dans une réelle fascination pour le pouvoir et la violence, quitte à dévoyer totalement par une idéologie malsaine la communauté égalitaire qui l'avait accueilli. En arrière plan bien entendu, comme dans Colorado et Saludos Hombre, les vrais puissants assistent au spectacle à l'abri. Un film souvent brillant, complexe à l'écriture riche, sans doute aidé par le co-auteur Sergio Donati (Il était une fois dans l'ouest), qui s'impose comme l'un des westerns les plus adultes de son époque, culminant, il faut le dire, dans la confrontation à l'écran et en coulisse, des égos et des talents démesurés de Tomas Milian, le chien fou, et Gian Maria Volonté, l'acteur précis et minutieux.
Un travail qui sera malheureusement passé un peu inaperçu en son temps, autant par la profusion de western qui furent projeté cette année là, que par les coupes intempestives qu'il subit un peu partout. Pas de coupes de censure, mais bien de distributeurs, dont l'italien qui fit retirer à Solima pas moins de 45 minutes au cut initial. Des séquences officiellement perdues aujourd'hui. A cela s'ajoute, pour les USA et l'Europe, une bonne quinzaine de minutes supplémentaires permettant d'atteindre une forme de 90 minutes ne réduisant pas le nombre de séances dans la journée. Aujourd'hui enfin reconstitué dans sa version la plus longue possible, soit 112 minutes, Le Dernier face-à-face est toujours marqué par des effets de montages un peu curieux (l'excellent thème d'Ennio Morricone coupé en plein élan) ou des ellipses narratives inexplicables et bancales qui entachent la beauté de l'ensemble. Blessé certes, mais toujours fougueux.



