Regarder un film de Henry Hathaway, c'est avoir l'assurance de voir un film bien fait, carré. Même s'il ne fait pas parti de ses films les plus personnels, La Rose noire ne déroge pas à la règle et remplie habilement le contrat combinant grand spectacle et esprit chevaleresque.
Bien trop souvent considéré comme un metteur en scène à la solde des studios, Henry Hathaway n'est pas du tout le « yes man » que l'histoire laisse prétendre. Doté d'un fort caractère il savait s'imposer tout en étant en accord avec les studios. Il battit sa carrière en alternant deux ou trois films de commande avec un film plus personnel et plus abouti. Que ce soit dans le premier comme dans le second cas, il restait très professionnel et savait livrer ses œuvres avec toutes les contraintes que les producteurs lui imposaient. C'est ainsi qu'il rentra à la 20th Century Fox et devint l'un des protégé du producteur tout puissant Darryl F. Zanuck. Excellent dans le polar (Le Carrefour de la mort), l'aventure (Les 3 lanciers du Bengale), ou le western (Le Jardin du diable), il était le réalisateur maison à qui l'on confiait les plus grosses productions annuelles comme cette Rose noire qu'il dirigea en 1950. Film de commande par excellence, tiré d'un roman de Thomas Costain avec des acteurs repris d'une autre production Fox de l'année précédente (Echec à Borgia), Hathaway va faire le job tout en y mettant sa patte.
Production internationale entre les Etats-Unis et l'Europe, La Rose Noire est la quintessence de l'âge d'or des studios avec ces histoires épiques teintées de dépaysement à faire saliver les spectateurs. Passant de châteaux en Angleterre à la Chine en faisant un détour par la Mongolie, Hathaway a toujours était un partisan des tournages en extérieurs. Ce seront les décors marocains pour celui-ci.
Ce qui devait s'annoncer comme un tournage traditionnel va vite s'avérait plus difficile que prévu à cause de la forte tête qu'est Orson Welles. Devant interpréter le rôle du seigneur mongol qui se lit d'amitié avec les deux héros en fuite, la star mégalo au talent indéniable débarqua au Maroc plus préoccupé à faire des repérages pour son prochain film Othello qui devait se tourner dans la région qu'à la préparation de son rôle. Hathaway, en réalisateur méticuleux ne pouvait pas supporter ses caprices et ses absences. Autre fait de discorde, du matériel et des costumes disparaissent du plateau pour réapparaitre comme par miracle l'année suivante dans le film de Welles. Heureusement pour lui l'entente avec Tyrone Power, star du film était au beau fixe.
La vision du film ne laisse rien entrevoir de ces désagréments. Le souffle de l'aventure traverse le film d'un bout à l'autre. Malheureusement, un certain déséquilibre narratif empêche le film de s'envoler vers les sommets du genre. Une grande partie du budget fût englouti dans la première partie située en Angleterre où châteaux et intérieurs furent reconstitués avec moult détails. Fier de ceux-ci, Hathaway s'y attarde avec raison négligeant peut-être les futures dépenses d'un tournage à l'étranger. La partie marocaine va prendre du retard à cause de figurants locaux incapables de jouer correctement face camera obligeant le réalisateur à faire une trentaine de prises sur certains plans. N'obtenant pas satisfaction, il élague certaines parties de son film que l'on aurait voulu plus touffues. Malgré tout cela, il maintient un rythme très correct et nous gratifie de bons moments d'exotisme. Il sait à son habitude insuffler une aspiration épique même dans ses œuvres les plus mineures. Son atout est d'avoir recruté le talentueux directeur photo de Michael Powell, Jack Cardiff, qui magnifie ses plans technicolor rendant justice aussi bien aux intérieurs des citadelles qu'aux extérieurs sablonneux.
Fidèle à sa réputation, Henry Hathaway livre une œuvre répondant aux exigences du public et du studio. Son talent prouve une fois de plus qu'il sait assurer un spectacle de qualité sans que le spectateur ne devine quoi que soit des aléas de tournage. Il est temps que le monsieur rejoigne John Ford au panthéon des grands maîtres de l'époque.





