Adaptés pour la première fois en 1976 par Brian De Palma avec Carrie, les écrits de Stephen King n'ont cessé ensuite, dans les années 80 et jusqu'à aujourd'hui, d'être une manne quasi inépuisable pour le cinéma et la télévision. Dead Zone, Creepshow, Cujo, Christine, Simetierre... Au-delà de tous ces titres restés au panthéon de l'Horreur et même parfois du cinéma avec un grand C, d'autres plus discrets arrivèrent pourtant à se faire une petite place et continuer, malgré leurs flagrants défauts, à profiter de l'aura quasi divine de l'écrivain du Maine. C'est l'une d'entre elles que nous propose aujourd'hui ESC, décidément sur tous les fronts, dans une très belle copie restaurée.
Firestarter (titre du roman et du film en vo) sort en librairie en 1980. Entre Dead Zone et Cujo. A une époque où « le King » taquine une muse qui semble ne plus vouloir le quitter et enfile les bests sellers comme des perles. Un succès quasi mystique qui se retrouve dans ses œuvres, hantées par ses névroses et ses excès d'alcool et de drogue. Où, un peu à la manière d'un Philip K. Dick, la paranoïa le gagne. Une paranoïa à la base de l'histoire de Charlie, où une organisation (The Shop - Le Laboratoire en vf), qu'on devine proche du gouvernement américain, met en place un programme où des substances aux effets encore inconnus sont testées sur des citoyens. Parmi eux, Andrew McGee (David Keith, sacrément bankable à l'époque après Brubaker, Officier & Gentleman et La Loi des Seigneurs), qui va faire la connaissance de sa future femme durant l'expérience (la très télévisuelle Heather Locklear). Une expérience particulièrement violente où certains cobayes sont pris d'hallucinations quand d'autres se mettent à hurler et saigner des yeux. Andrew, lui, ne tarde pas à développer des pouvoirs de persuasion et devient le père d'une petite Charlène (Drew Barrymore, incontournable depuis son rôle dans E.T.) qui va elle développer un pouvoir pyrokinésique que son jeune âge va rendre extrêmement dangereux. Jusqu'à blesser sa propre mère lors d'une scène de vie quotidienne faisant prendre conscience à ses propres parents de la dangerosité de leur petite fille. Après avoir retrouvé sa femme assassinée, Andrew s'enfuit alors avec Charlie, sachant pertinemment que The Shop ne les lâchera jamais.
Impossible de ne pas placer Charlie au carrefour des créations de King et même des multiples adaptations déjà sorties à l'époque. La présence de Martin Sheen en leader presque politique renvoyant directement à son personnage d'ignoble salopard dans le Dead Zone de Cronenberg ; l'enfant aux facultés paranormales faisant d'emblée penser à Shining et la scène finale, où Charlie déchaîne enfin son pouvoir (et qui mérite à elle seule qu'on découvre le film), rappelant évidemment le final violent et sanglant de Carrie (et Furie) de Brian De Palma. Peut être est ce la raison pour laquelle le film de Mark L. Lester semble ne jamais décoller vraiment. Pourtant, l'interprétation y est plutôt solide, dominée par une jeune Drew Barrrymore il est vrai parfois peu expressive mais qui réussit tout de même à maintenir le film en équilibre sur ses frêles épaules. La jeune actrice est d'ailleurs bien aidée par ses partenaires, dont l'impressionnant George C. Scott (éternel Patton!) en tueur à gages inquiétant et glaçant lorsqu'il annonce vouloir mettre la main sur la petite fille pour la faire souffrir. Les raisons de ce semi échec se trouvent donc ailleurs. Peut être dans la trop grande linéarité du film qui traduit son manque d'ambition narrative, ou bien dans la musique du groupe mythique Tangerine Dream, responsable pour beaucoup dans l'aura sans pareil de films comme les cultissimes Legend de Ridley Scott (version US) ou La Forteresse Noire de Michael Mann mais dont les compositions électroniques peuvent parfois désarçonner le spectateur et créer une distance et un décalage trop grands avec l'image et le propos du film.
Malgré de réelles qualités artistiques, Charlie ne convainc donc jamais totalement. Le condamnant définitivement à n'être qu'une sorte d'ersatz mal dégrossi des vrais chefs d'oeuvre du fantastique créés par leur auteur sur le papier et à qui les meilleurs réalisateurs surent donner vie. Mais consolons nous, car Mark L. Lester, cinéaste un peu oublié, a dans sa filmographie, en plus du Commando avec Schwarzy, le viscéral Class 1984 que ceux qui l'ont découvert (et jamais oublié!) à l'époque rêvent de voir un jour sortir dans un bel écrin bleu. Connaissant ESC, on est en droit de l'espérer.




