Multipliant presque vingt fois sa modeste dote initiale, Sans un bruit est clairement l'un des plus gros succès de l'année, et ce qui risque de rester, avec Hérédité, comme LE film d'horreur de l'année 2018. Et si on se méfie légitiment des effets de mode américains, le bouche à oreille est ici tout à fait mérité.
A l'heure où tout semble se transformer en blockbuster surdimensionné à velléité épique, un film comme Sans un bruit fait preuve d'un économie admirable et surtout particulièrement censée. La véritable épouse du réalisateur / acteur John Krasinski (il est le Jack Ryan d'Amazon) a beau être considéré aujourd'hui comme une star, le métrage se concentre sobrement sur une simple famille composée des parents et de leurs deux ados et un bébé à venir, totalement repliés dans une ferme isolée où l'on ne croisera, que très brièvement, deux autres survivants en bout de courses et une poignée de monstres au look assez peu mémorable, il faut l'avouer. Un faux huis-clos, mais un huis-clos tout de même qui corse l'opération en obligeant les personnages à ne plus faire le moindre bruit au risque d'être repéré immédiatement par les envahisseurs-prédateurs et se faire boulotter tout cru. A l'image du très bon Don't Breathe dont toute la dynamique s'articulait autour d'un champ de vision extrêmement réduit, ici le suspens nait et joue avec un mixage sonore épuré et une réduction des dialogues (audibles) au minimum.
Dans ce silence imposé, le scénariste de Promised Land en profite pour simplifier les enjeux familiaux à de simples regards, quelques contacts et surtout à révéler des craintes en non-dit, en grande partie provoqués par une introduction choc tout à fait révélatrice du spectacle à venir. Car si Sans un bruit est constamment et fermement accroché à ses personnages, tous admirablement interprétés, il impose surtout une rythme maitrisé et tendu. Le film installe tranquillement les lieux, laisse approcher la date de l'accouchement du petit dernier, avant de s'emballer pour les deux-tiers restants dans une succession de séquences sous haute tension, entre le film de monstre et le home invasion insidieux. L'ambiance sonore est tétanisante dans son utilisation des silences brisés en sursauts, la gestion de l'espace logique et appréciable et l'implication émotionnelle du spectateur (en particulier déjà parent) est immédiate, mais jamais forcée. Si jusqu'à maintenant Krasinski avait surtout fait ses armes de réalisateur sur des épisodes de The Office (version US) et le petit La Famille Hollar, soit uniquement des comédies, il surprend nettement par sa faculté à préserver une certaine pate sentimentale, sans jamais perdre de vue le tranchant d'un véritable film de genre, préférant certes les effets chocs aux débordements d'hémoglobine, mais là aussi restant tout à fait logique avec l'identité de son film. Modeste, à la fois simple et sophistiqué, et surtout diablement efficace, Sans un bruit confirme qu'en oubliant ses effets d'esbroufes des années 2000, le cinéma d'horreur américain est de nouveau sur la bonne voie.



