Petite production Universal vouée à jouer les doubles programmes pleins d'aventure et d'action, Duel sans merci n'est pas un classique du western. Cela reste cependant un sympathique divertissement célébrant une véritable star de l'époque, Audie Murphy, et annonçant sobrement la future carrière de son metteur en scène : Don Siegel.
Le futur compère de Clint Eastwood, à qui il offrira Un Shérif à New-York, Sierra Torride, Les Proies, L'évadé d'Alcatraz et bien entendu Dirty Harry, mais aussi un excellent artisan responsable des classiques L'invasion des profanateurs de sépultures, A bout portant ou du trop méconnu Tuez Charley Varrick !, Don Siegel est né au cœur des studios, gravissant lentement mais surement les échelons. Tourné en 1954, Duel sans merci n'est que son quatrième long-métrage et son premier western, projet qu'il n'accepte d'ailleurs non sans faire remarquer au célèbre producteur Leonard Goldstein les faiblesses évidentes du scénario. L'ambition originelle n'est en rien artistique, le film étant uniquement voué à venir gonfler les rangs du défilé de séries B western d'Universal, et à assurer plus encore l'aura de la dernière star maison : Audie Murphy. Un visage de jeune homme pour un authentique héros national (il est le soldat américain le plus décoré de la Seconde Guerre Mondiale), en passe de devenir, malgré un jeu relativement limité, une petite icône du genre. De quoi faire de l'ombre ici au plus âgé, mais bien plus intense, Stephen McNally (Winchester 73) dans le rôle d'un shérif vieillissant et diminué par une blessure à l'épaule qui ne voit pas toujours du bon œil l'arrivée de ce freluquet, as de la gâchette de surcroit.
La juxtaposition des deux fonctionne cependant assez bien, autant grâce à quelques dialogues bien vifs, qu'à une mise en scène sobre, mais efficace, de Siegel. Ce dernier apporte déjà un dynamisme certain à un script effectivement ni très original, ni franchement palpitant (toute l'introduction sera même ajoutée pour rallonger un peu la sauce et les enjeux), jouant de quelques mouvements de caméra, d'un montage ferme et de quelques excès inédits de cruauté et de violence. Les hommes se font abattre de sang froid, la belle Faith Domerge (Les Survivants de l'infini) trahit à tout va et étrangle même un mourant pour couvrir son amant voleur de propriétés minières, les habitants du patelin célèbrent la justice expéditive... Le jeune couple formé par Audie Murphy, aka The Silver Kid, et la charmante Susan Cabot (future égérie de Roger Corman), a beau se retrouver dans la dernière image pour un baiser enflammé sous le regard attendri du shérif « Lightning », l'ouest présenté par le film de Don Siegel reste plus noir et inquiétant que le tout venant de l'époque. Un peu à l'image de ce jeune débutant à la voix grave, au physique impressionnant, qui fait quelques apparitions notables dans la défroque d'un gars du coin, adepte du lynchage, un peu truand et un peu mouton : Lee Marvin. Clairement loin dessus du lot, l'acteur vole toutes les scènes dans lesquels il apparait, ne laissant planer que peu de mystère sur la belle carrière qui l'attend dès 1955 et Les Inconnus dans la ville de Richard Fleischer.


