Estampillée « inspirée de faits réels » la saga Amityville a aujourd'hui atteint la bagatelle de onzes films officiels partagées entre direct-to-video oubliés, remake fainéant et ses suites méconnues et surtout sa trilogie initiale qui dans ce lointain début des années 80 avait terrorisé toute une génération, sans doute trop impressionnable. 35 ans après, une chose est sûre, le point culminant reste le tétanisant Amityville 2.
Comme d'autres studios avant lui, l'American International Pictures de Samuel Z. Arkoff se devait de décrocher son propre film d'horreur mainstream et lucratif. L'Exorciste, Rosemary's Baby ou La Malédiction sont déjà passés par là redonnant indirectement la belle place au diable et ses charmantes progénitures. Rien de mieux pour faire la différence que d'aller gratter du côté d'un authentique fait divers devenu grâce à la rumeur persistance et aux bondieuseries habituelles, un véritable mythe qui fascine les journalistes peu regardants et les lecteurs crédules (désolé). En particulier depuis la publication du livre de Jay Anson qui relate le témoignage de la famille Lutz dernier propriétaire d'une demeure inquiétante de la petite ville d'Amityville sur Long Island, et qui aurait assisté à des phénomènes paranormaux spectaculaires. Des réminiscences d'un authentique sextuple meurtre dans la famille DeFeo survenu la nuit du 13 novembre 1974. Une énigme jamais totalement élucidée mais pour lesquels le fils, Ronald a été condamné malgré de nombreux doutes et éléments douteux. Un mystère sur lequel, on le sait aujourd'hui, le paternel Lutz et Jay Anson ont largement capitalisé pour se sortir d'une situation financière difficile...
Et gageons qu'avec le succès colossal de The Amityville Horror se fut largement le cas. Un métrage qui pouvait d'ailleurs faire de jolies économies sur la publicité tant l'affaire de maison hantée était en 1979 connues de tous. D'ailleurs le réalisateur Stuart Rosenberg (Luke la main froide) adapte relativement fidèlement le roman / documentaire, suivant pas à pas l'installation de la petite famille, l'augmentation progressive de phénomènes paranormaux (portes qui claquent, boue noire qui remonte des canalisations, bruits étranges), la plongée progressive du paternel dans la psychopathie (merci Shining) jusqu'à l'explosion finale de la dernière nuit, où la demeure décide de mettre fin à la vie de tous ses habitants. Une structure extrêmement classique, rodée, mais qui fait justement toute la réussite de ce premier Amityville, film d'horreur « grand public » à la mise en scène sobre mais efficace, au casting plus que convainquant (le couple James Brolin et Margot Kidder fait tout) et à la bande originale particulièrement inquiétante signée par un Lalo Shiffrin frustré d'avoir été évincé de L'Exorciste. Un opus inaugural au suspens tout à fait maîtrisé et à la monté en puissance savamment généreuse.
Ce qui n'est malheureusement pas le cas pour son décalque de 1983, Amityville 3... D. Car comme le voulait la mode en ce début de décennie tous les troisième chapitre des films d'horreur à succès passaient par la case relief. Après Les Dents de la mer 3D et Vendredi 13 3D, voici donc qu'Amityville se retrouve à devoir composer avec un nouveau système de 3D économique (n'utilisant enfin qu'une seule camera) mais aboutissant à des effets d'autant plus artificiels que la mise en scène ne l'utilise à chaque fois que pour balancer des objets au visage du spectateur. En l'occurrence un frisbee, une poutre de métal et même un espadon naturalisé. Entamant sa fin de carrière douloureuse, le grand Richard Fleischer, pourtant autrefois responsable de thrillers aussi redoutables que L'Etrangleur de Boston ou Terreur aveugle, n'est manifestement pas inspiré par les apparitions dont est témoin le journaliste cartésien George Baxter qui a eu la riche idée de venir s'installer avec sa fille dans la charmante demeure. Il sera bien entendu puni pour avoir douté (enfin sa fille surtout), alors que le spectateur est clairement en manque de surprise devant un divertissement safe, empruntant au récent Poltergeist ses apparitions spectrales mais surtout pas ses excroissances plus grotesques. Reste aujourd'hui la première apparition notable d'une adorable et énergique Meg Ryan pour se consoler. C'est peu.
D'autant plus que l'année d'avant, la licence naissante avait connu sa meilleure cuvée avec Amityville 2 : Le Possédé. Une prequel plutôt qu'une sequel qui livrait une vision très libre et fantasque du drame initiale (celui de la famille Defoe, renommée ici Montelli) résumant donc le massacre de toute sa famille par le plus grand des enfants, Johnny, qui se voit ici progressivement possédé par le démon de la maison et envahi de pulsions sanguinaires. Encadré par le reste d'une trilogie jouant sur l'économie et la retenue, en passant entre les mains du producteur Dino De Laurentiis (Un Justicier dans la ville, Conan le barbare, L'Année du dragon) et le réalisateur Damiano Damiani (artisan recommandable mais uniquement connu chez nous pour le rigolo Un Génie, deux associés, une cloche), l'opus se dote d'une sensibilité plus italienne... Soit une approche bien moins sage et opératique. Dans la dernière bobine en particulier qui réussit le croisement excessif entre les déformations physiques et le satanisme outré du chef d'œuvre de William Friedkin et les envolées baroques et ultra-stylisées du Evil Dead de Sam Raimi. Mais outre la maîtrise totale des codes du film de maison hantée et la réappropriation d'une mythologie purement américaine, le petit miracle livré par Damiani tient dans sa compréhension profonde de ce qui fait les grands films d'horreur : leur cause humaine et les troubles psychologique enfouis. Le plus effrayant dans Amityville 2 est donc bien moins l'exaltation d'une force démoniaque que le portrait sordide que le film dresse de la famille moyenne américaine : le père, beauf bedonnant (Burt Young donc) cravache les gosses à la moindre occasion et bobonne si elle résiste au devoir conjugal ; la mère s'enfonce dans une foi aveugle et absurde ; les petits s'amusent à s'assassiner pour de faux avec des sac en plastique sur la tête tandis que les deux plus grands, totalement paumés finiront par se livrer à l'inceste. Tout cela sous les yeux d'une église impuissante. De l'horreur malsaine, dérangeante mais profonde où la frontière entre la réalité sordide et le fantastique presque plus acceptable (car au-delà de la responsabilité humaine) s'opère lors d'un incroyable plan séquence Ooù la dispute familiale vrille à l'hystérie et culmine dans un face-à-face entre le fils et le père, une carabine dirigée sur ce dernier. Le démon n'a plus qu'à se pointer, le mal est déjà fait.






