En offrant à un film presque totalement oublié un écrin aussi luxueux et techniquement surprenant que ce triple combo UHD/Blu-ray/DVD, Le Chat Qui Fume affirme une nouvelle fois son statut d'éditeur cinéphile et de militant du bis (qu'il soit italien, américain, allemand ou ... français). Et si l'œuvre qui nous est présentée ici est sans doute loin d'être à la hauteur d'un tel investissement, la passion et le professionnalisme des petites mains ayant contribué à cette édition forcent définitivement le respect.
Crevons l'abcès sans attendre : non, La Rose écorchée n'est pas un chef d'œuvre maudit du cinéma fantastique français. A vrai dire, ce n'est même pas un bon film. Mais cette variation fauchée, bancale et un brin racoleuse autour des Yeux sans visage de Georges Franju n'est pas non plus dénuée d'intérêt.
Essentiellement connu des amateurs de pornographie gauloise sous le pseudonyme de Frédéric Lansac (un nom qu'il a d'ailleurs emprunté au personnage principal de La Rose écorchée ; rien ne se perd), Claude Mulot était l'un de ces talents prometteurs du cinéma français qui, faute de pouvoir percer dans la cour des grands, fut obligé de vivoter entre le bis et le X (et le Z). Auteur de péloches cultes telles que Le Sexe qui parle ou La Femme objet (ode insurpassable à la beauté de Marilyn Jess) et séducteur impénitent, ce parisien de naissance ne semblait pourtant guère se complaire dans les eaux par trop salées du sexe explicite, lui préférant un érotisme plus poétique, plus « naïf » même. Une distinction qui s'apprécie dès La Rose écorchée, son deuxième film, où le cinéaste s'applique davantage à filmer et à iconiser une Annie Duperey posant nue sur un canapé pour un peintre transi d'amour que lorsque le scénario lui impose de dévêtir ses actrices gratuitement. Comme lors de ce moment aussi maladroit que risible où Philippe Lemaire et Howard Vernon tente de maîtriser leur future victime dans un bassin (!?) et finissent par la foutre à poil au terme d'un pugilat de cour d'école. Mais la carrière de Claude Mulot ne se limite pas à ces contributions coquines. Scénariste de Max Pécas (On se calme et on boit frais à Saint Tropez, pour ne citer que ce titre de gloire), réalisateur de comédies et de thrillers populaires et bon marchés (C'est jeune et ça sait tout, Le jour se lève et les conneries commencent, La Saignée, Le Couteau sous la gorge), il fut également un ami proche de feu Johnny Halliday et de ... Carlos ! Une vie pas comme les autres donc et qui, avec une ironie somme toute cruelle, prit fin le 13 octobre 1986 lorsque Claude Mulot mourut noyé dans sa piscine de Saint Tropez (!) à l'âge pas très avancé de 44 ans.
Que retenir, presque un demi-siècle après sa sortie, de La Rose écorchée ? Pas grand chose, malheureusement, tant les défauts de cette tentative de mélanger horreur et érotisme risquent fort de mettre à l'épreuve la patience des spectateurs les moins indulgents. L'interprétation est globalement calamiteuse, les dialogues oscillent entre bêtise et platitude, les rares effets de montage tombent systématiquement à plat (ah, ce médecin qui n'en finit pas de descendre les escaliers avec sa malette et ses mauvaises nouvelles!) et la direction artistique évoque le pire des romans photos des années 60/70.
Il faut par conséquent se raccrocher aux branches et se satisfaire d'un rien pour trouver le temps moins long. Les fans de Jess Franco seront aux anges de retrouver Howard Vernon dans un rôle qui rend ouvertement hommage à celui qu'il tenait dans L'Horrible docteur Orloff (déjà un rip-off des Yeux sans visage, la boucle est bouclée). Très inspirée par les classiques gothiques de la Hammer et de Mario Bava, la photographie de Roger Fellous marque souvent des points, notamment lors des scènes nocturnes et oniriques qui prennent place dans les ruines embrumées d'un vieux château. Également sous influences, en l'occurrence celle du Michel Magne de la série des Angélique avec Michèle Mercier, le thème musical composé par Jean-Pierre Dorsay rend partiellement justice aux accents tragiques de cette histoire de beauté perdue et de folie meurtrière. Enfin, si tout ceci ne suffit pas à attiser votre curiosité (malsaine), sachez que La Rose écorchée s'agrémente de la présence d'une Elizabeth Teissier pas encore astrologue mais déjà bien perchée puisqu'elle se balade le temps d'une scène avec un maquillage doré et une panoplie bling bling du plus mauvais effet et que le comble de l'étrangeté est symbolisé par un duo de nains mutiques revêtus de peaux de bêtes et armées de haches et de piques démesurées ! Comme quoi, le nanar français n'a pas toujours ressemblé à des comédies racistes et misogynes pas drôles hantées par les trognes effrayantes de Christian Clavier et Kev Adams. C'est toujours ça de pris.






