Aperçu partiellement sur le marché français sous le nom Le Sang de Satan, le film espagnol Escalofrio retrouve enfin son montage intégral grâce au bien nommé Uncut Vidéo. Pas plus de sang, mais plus de sexe pour un traquenard satanique qui sait mettre ses arguments en avant.
Franchement méconnu en France (voir totalement oublié dans les tréfonds des mauvaises VHS), Escalofrio fit pourtant date en Espagne, venant rejoindre les symboles d'un relatif assouplissement de la censure du régime franquiste. Franco mis en terre deux ans plus tôt, certains se dirent ainsi qu'ils pouvaient enfin se livrer aux mêmes débauches que leurs voisins européens. Dommage pour Carlos Puerto, scénariste du sympathique Le Continent fantastique (Viaje al centro de la Tierra) très inspiré par Jules Verne et réalisateur du thriller El Francotirador avec Paul Nashy, qui va connaitre l'une des premières catégorisations S, soit une interdiction aux mineurs, équivalent au X français. Il faut reconnaitre que pour un pays qui a connu un régime moralement étouffant pendant presque 40 ans, la nudité exposée frontalement et généreusement dans Escalofrio a du donner quelques frissons. Une sexualité qui n'a cependant rien de gratuit puisqu'elle nourrie naturellement la nature même d'un film qui tend à explorer avec sérieux et conviction un piège dans lequel une secte satanique entraine un jeune couple un peu trop naïf.
Une approche sans doute trop didactiquement exposée par son introduction laborieuse dans laquelle le pseudo spécialiste en démonologie Dr Jimenez De Oso, qui explorait alors les grands mystères foireux de notre monde dans sa propre émission télévisée. Elle est beaucoup plus convaincante dans une scène d'exposition relativement gratuite où une très jolie femme se fait violer par un prêtre satanique devant le reste de son culte, avant d'être poignardée froidement. Inégal, Escalofrio est toujours réussi quand il reconstitue avec précision quelques rites démoniaques, dispose des symboliques bien senties et décrit avec naturel un couple relativement ordinaire. Comme cette simple scène dans la salle de bain, montrant ces deux personnages dans le plus simple appareil sans détour mais sans voyeurisme, se titillant avec amusement avant de s'enlacer amoureusement en pensant à leur enfant en devenir. Un peu de tendresse dans une demeure des plus inquiétantes, dirigées par cet autre couple, libertin, affirmé, mais aussi violent, sadique et... cannibale. Quelques rares détails gores bien amenés, une séquence de cauchemar tordu, si Escalofrio souffre parfois de petites langueurs, Carlos Puerto connait son métier et fait naitre une atmosphère morbide et angoissante plutôt efficace. Et ce même lorsqu'il se confronte directement à son modèle Rosemary's Baby de Roman Polanski dans un final aux révélations glaçantes. Mais étrangement la séquence la plus remarquable, reste cette superbe séquence d'orgie réunissant les quatre amants dans une étreinte presque douce, sensuelle, filmée avec délicatesse et chaleur... Attirant et donc totalement hérétique.


