Authentique classique du film de vampire ou objet nostalgique comme ultime témoin d'une décennie idéalisée, Fright Night est bien entendu entre les deux. Un petit objet de culte, malin et sincère qui traverse aisément les années grâce à la ténacité de Tom Holland, futur réalisateur du premier Chucky.
Monstre phare du cinéma fantastique des décennies durant, passant des mains expertes des expressionnistes du muet aux élégantes production Universal avant de finir dans le velours rougeoyant du sanglant studio Hammer, les vampires étaient pourtant déjà hasbeen dans les années 80, relégués aux diffusions nocturnes sur les chaines locales américaines. Un projet comme celui de Fright Night, comédie horrifique refusant totalement les facilités de la parodie lourde, faisait clairement tache dans le paysage. Mais profitant d'une petite aura de scénariste malin grâce à ses participations à Class of 1984 (Mark L. Lester), Psychose II et Jouer c'est Tuer (tous deux de Richard Franklin), Tom Holland dont c'est ici la première réalisation, réussit à faire produire par la Columbia une série B à petit budget faisant appel à tout l'attirail envisageable : ails, pieux dans le cœur, chauve-souris, cercueils... et même un chasseur de vampire de pacotille, Peter Vincent (Rody McDowall, alias Cornelius dans La Planète des singes) star déclinante des films d'épouvantes aux airs de Peter Cushing du pauvre. Tout est là, mais avec une légère distance, une petite ironie qui n'empêche jamais le respect et la réactualisation délicate.
Le film s'apparente ainsi tout autant à une version surnaturelle de Fenêtre sur cour (le voisin est un vampire mais personne ne croit le héros) qu'une comédie teen où le mal être du pote geek Evil Ed et la sexualité maladroite du couple Charley / Amy, trouvent un écho aussi libérateur qu'inquiétant dans la présence du prédateur Jerry Dandridge, vampire suave et menaçant auquel le sous-estimé Chris Sarandon prête une posture étonnement sexy. Un éveil des sens et une sensualité omniprésente dans Fright Night, mélange troublant entre romantisme exacerbé (la piste de la réincarnation de la dulcinée bien avant le Dracula de Coppola) et la bestialité qui donne au film ses plus belles séquences, d'une scène de danse hypnotique dans une boite de nuit, à une transformation impressionnante et généreusement fournie en crocs de la douce Amy en maitresse vorace (qui a dit castration?). Quelques années avant un Génération perdue qui lui doit beaucoup, dix ans avant la série culte Buffy contre les vampires, Tom Holland invoque le mythe vampirique pour servir de catharsis aux questionnements identitaires liés à l'adolescence, avec une sensibilité qui tranche outrageusement avec la débauche d'effets spéciaux physiques (maquillages, latex...) qui impressionnent aujourd'hui encore par leur généreuse efficacité et la puissance de ses designs. Le retour déchirant du pauvre Evil Ed de sa condition de loup-garou à pauvre gosse terrorisé reste un intense moment qui doit autant à la créature de l'équipe de Richard Edlund (Star Wars, SOS Fantômes) qu'à la prestation du jeune Stephen Geoffreys (Comme un chien enragé, 976-Evil).
Baigné dans les thèmes évocateurs d'un Brad Fiedel (Terminator) particulièrement inspiré dans son mélange de synthétique, de mystère et de mélodie gothique Vampire, ... vous avez dit vampire ? a des petits airs de miracle qui, comme le veut l'adage, a souvent été copié, mais jamais égalé.



