Boris Karloff, Bela Lugosi et Universal. Le trio gagnant d'un nombre incalculable de films fantastiques passés plus ou moins à la postérité. Dans le lot, entre les incontournables Dracula et Frankenstein, certains moins connus mais probablement tout aussi intéressants à découvrir. Dont ce Vendredi 13 qui n'a rien à voir avec le célèbre tueur au masque de hockey, mais qui a par contre toute sa place dans la collection Masterclass d'Eléphant Films.
Si les années 30 furent pour Universal la décennie d'un cinéma fantastique passant par la réinterprétation des grandes figures de la littérature gothique (Frankenstein et Dracula pour ne citer qu'eux), les années 40 furent celles où le studio dut, en partie du moins, se réinventer. Si le fantastique y est donc encore bien présent, via d'inévitables et énièmes films de monstres, il se dilue pourtant progressivement vers d'autres thèmes, d'autres genres, qui vont aboutir à des mélanges étonnants. C'est ainsi que, sur un scénario de Kurt Siodmak (frère du célèbre réalisateur), naît l'idée de Vendredi 13. Soit l'alliance d'un élément fantastique avec le film noir. Et qui de mieux pour y interpréter les premiers rôles que Karloff et Lugosi ? Ainsi, le premier se retrouve dans la peau d'une sorte de savant fou qui va greffer une partie du cerveau d'un gangster sur celui d'un de ses amis mourant, professeur de littérature anglaise, et ce dans le but de découvrir où le malfrat à cacher son magot avant d'être rattrapé par ses anciens complices, dont le nouveau chef est incarné par Lugosi. Règlement de comptes, gangsters, savant fou, femme fatale et cassette renfermant l'argent d'un casse vont alors se percuter dans un mélange détonnant.
Si le film est réussi, on le doit d'abord à la réalisation d'Arthur Lubin, stakhanoviste dont c'est la 23ème réalisation en seulement 6 ans. Poursuite en voitures, course sur les toits et mano à mano musclés s'enchaînent avec une belle énergie et même, de ci de là, quelques plans intelligemment pensés, qui évoquent parfois ce fameux expressionnisme Allemand cher au cinéma de l'époque. Le deuxième grand atout du film se trouve lui au sein d'un scénario qui lorgne clairement du côté du film noir en choisissant, dès la greffe de cerveau opérée, de mettre un terme presque définitif à tout élément fantastique. Etrangement, c'est alors Stanley Ridges (qui s'en sort parfaitement, aidé par des effets de maquillage saisissants), dans le rôle du professeur de littérature, désormais à demi mafieux, qui devient le personnage principal de toute cette histoire, spoliant sévèrement Karloff qui disparaît même durant un bon quart d'heure et laissant encore plus méchamment Lugosi sur le carreau, puisque celui ci ne récupère qu'une toute petite présence à l'écran. Un drôle de résultat, donc, certes bancal, pour un film qui souhaitait jouer plus que jamais sur la réunion des deux têtes de proue d'Universal (et qui s'explique par une production un brin chaotique qui déboucha sur une redistribution des rôles) mais qui parvient, grâce à la générosité de ses acteurs et à une réelle volonté d'offrir un spectacle novateur, à atteindre le seul but qui compte pour le spectateur : divertir.