Déjà quatre ans que les parisiens de Coin de Mire redonnent, en haute définition, une nouvelle jeunesse aux plus grands films du patrimoine français. Cette fois, c'est un Verneuil méconnu qui retrouve le feu des projecteurs. L'occasion de découvrir une perle du cinéma hexagonal et le travail, toujours aussi impressionnant, d'un éditeur qui soigne sa passion.
Maxime est à la base un roman d'Henri Duvernois édité pour la première fois en 1927. Duvernois, écrivain plutôt oublié (malgré un beau succès public et critique à l'époque) fut aussi journaliste, dialoguiste et auteur de théâtre. Autant de cordes à son arc qu'on retrouve, disséminées, au sein du film d'Henri Verneuil (qui sort à peine du drame social très en avance sur son temps Des Gens Sans Importance). Le film s'ouvre donc sur une introduction très journalistique des différentes visites de la famille royale d'Angleterre en France avant de glisser doucement vers Maxime (Charles Boyer, le plus américain des acteurs français de l'époque), personnage principal, plutôt âgé, côtoyant la haute bourgeoisie sans pour autant en faire véritablement partie. Une légèreté de ton, très proche de la comédie, qui nous présente différents personnages riches, semblant importants mais finalement frivoles, qui ne pensent qu'à s'amuser sans penser au lendemain. Hubert de Treffujean (Félix Marten, futur Simon Templar de Le Saint mène la danse), boursicoteur coureur de jupons, Gazelle (Arletty, à l'immortel sourire carnassier), ex petite amie de Maxime qui a trouvé réconfort et richesse dans les draps d'un vieux Général qui écrit ses mémoires... Une ménagerie qui s'ébroue dans les soirées des grands clubs parisiens et dont le microcosme va soudain tressaillir à la venue de la jeune et belle célibataire Jacqueline Monneron (Michèle Morgan, lumineuse et mordante). Treffujean la veut dans son lit. Maxime en tombe amoureux. Le sempiternel triangle amoureux sur fond de différence social (Maxime est clairement pauvre malgré les apparences) qui va, par la grâce de dialogues ciselés à l'or fin et de la caméra de Verneuil, en très grande forme, s'envoler vers des sommets insoupçonnés.
Si Verneuil signe lui-même l'adaptation de Duvernois, il s'offre aussi les services d'Henri Jeanson, scénariste et dialoguiste de génie (on lui doit, entre autres, ceux des Maudits de René Clément ou encore de Fanfan la Tulipe) qui va signer des dialogues percutants qui donnent au film un rythme incroyablement soutenu, le faisant passer parfois de la comédie au drame en un tournemain, et offrant à certains de ses personnages les plus gouailleurs (Arletty en tête, évidemment) des lignes de dialogue écrites sans aucun doute pour eux. De son côté, la caméra de Verneuil fait des merveilles, multipliant les plans magnifiques (contre-plongée mettant en valeur le personnage de Morgan au milieu de la chambre de bonne étroite et miséreuse de Maxime) ou les jeux de miroirs ou d'ombres. Des ombres qui vont se faire sentir de plus en plus présentes, au fur et à mesure que la comédie fait place au drame, où il est question d'amour contrarié, de statut social, de trahison et de duel. Jusqu'à un ultime retournement de situation qui, comme dans l'introduction, va replacer sa petit histoire dans la grande pour déployer, au dessus de ses personnages, les ombres de la Grande Guerre.
Formidablement bien joué et réalisé, drôle et enlevé, Maxime mérite donc la (re)découverte. D'autant, qu'une fois de plus, Coin de Mire met les petits plats dans les grands et ne néglige aucun détail pour redonner au film sa grandeur d'antan. Autant de raisons d'y replonger avec délice.



