Studio phare de l'animation japonaise, le studio Ghibli produisait en 2014 sa première série animée pour la télévision et en 3D (cell-shadée) qui plus est. Un changement sans doute un peu trop drastique pour les amateurs européens qui regardaient tout cela de loin avec méfiance. Enfin disponible en France, Ronja n'a pourtant rien d'un renoncement et reste farouchement attaché aux valeurs du studio.
Spécialisé dans les grandes productions cinématographiques en corrélation avec des exigences artistiques et techniques largement reconnues, le studio Ghibli a tout de même expérimenté un peu du coté des jeux vidéo (Jade Cocoon et Ni no kuni) et avait déjà effectué un détour du coté de la télévision avec le délicat Je Peux entendre l'océan téléfilm sentimental encore assez peu connu. Bizarrement alors que les fondateurs du studios ont fait leurs premières armes dans des séries animées à succès (Sherlock Holmes, Lupin The Third, Conan le fils du futur...), le format n'avait jamais été envisagé avant que Goro Miyazaki, ne s'intéresse à une nouvelle adaptation du roman d'Astrid Lindgren (Fifi Brindacier), Ronya, Fille De Brigand, grand classique de la littérature jeunesse publié en 1981. Un "fils de" qui depuis le début de sa carrière subit difficilement la comparaison avec son génie de père, peinant en effet à atteindre les auteurs de ses fresques épiques dans un Contes de Terremer laborieux, mais se rattrapant avec un beaucoup plus délicat et nostalgique La Colline aux coquelicot. Une sorte de fraicheur, voir de candeur, d'intérêt marqué pour les atmosphère lente et contemplative qui trouve un cadre idéal dans Ronja qui d'une certaine façon relie la fascination du paternel pour une nature omniprésente, animiste et mystérieuse et la légèreté de Goro, plus porté sur les tranches de vie et le quotidien de ses personnages.
Sacré risque d'ailleurs de proposer ainsi dans ces années 2010 une série grand public, voir vraiment à l'attention des moins de 10 ans, qui choisit courageusement de prendre son temps, de construire pas à pas ses personnages sans jamais verser dans la multiplication des péripéties, des antagonistes ou de quelconques twists pour tenir ses ouailles en haleine. Une narration lente, progressive, reliquat d'un autre temps, qui emporte sa jeune héroïne, puis son compagnon Birk, dans une grande aventure initiatique, faite de rencontres, de petites batailles, de nouvelles amitiés et de découverte. Si le fil rouge du scénario de Ronja, fille de brigand reste les efforts des deux enfants pour instaurer une paix durable entre les deux clans de brigands cohabitant, difficilement, dans ce fort coupé en deux par la foudre, la série séduit surtout par ses nombreux apartés. Des espaces de pause où la jeune fille prend plaisir à découvrir la forêt pour la première fois, plonger dans l'eau glacé, s'assoupir sur une branche ou observer patiemment quelques insectes traverser le cadre, ou qui prennent la forme d'échappées plus ouvertement fantastiques laissant apparaitre esprits de la forêts, fantômes ou terrifiantes harpies.
Impossible de ne pas louer une nouvelle fois le talent des illustrateurs du studio, qui signent ici de magnifiques décors, bucoliques et médiévaux, peints avec autant de finesse que leurs spectacles sur grands écran. Même le traitement des personnages et de l'animation de la 3D cell shadé, une fois un petit temps d'adaptation passé, se révèle très joliment exécuté grâce à des mouvements naturels et des designs de personnages signés par Katsuya Kondo (Le Vent se lève). Le trait raffiné de Ghibli et la maitrise du procédé assuré par Polygon Picture (Drifting Dragons) permet justement de dépasser le regret inévitable de ne pas pouvoir profiter d'une animation traditionnelle. Goro Miyazaki semble peu à peu prendre son indépendance et a d'ailleurs creusé plus avant ce mode d'animation pour le téléfilm Ghibli / NHK Aya la sorcière attendu pour ce Noël au Japon qui lui sera entièrement en 3D, sans même la petite patine dessinée pour rassurer les frileux.



