Après le joli succès d'édition (mérité) de La Rose écorchée, Le Chat Qui Fume dégaine Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff de Michel Lemoine. Tout le charme et la poésie du bis à la française dans une copie restaurée en 4k et accompagnée de suppléments magnifiques.
Disparu en 2013 à l'âge tout à fait respectable de 90 ans, Michel Lemoine a débuté sa carrière en tant que comédien au théâtre à la fin des années 40 (notamment dans une adaptation du chef d'œuvre de John Steinbeck, Des souris et des hommes) avant d'obtenir ses premiers rôles au cinéma sous la direction de Sacha Guitry, Julien Duvivier ou Maurice Tourneur. Son physique racé et ses yeux verts lui offrent une petite renommée mais son répertoire reste classique. Il faut attendre les années 60 pour que ses goûts se tournent , au gré des rencontres, vers un cinéma moins « bourgeois ». Il tourne à deux reprises devant la caméra de José Benazeraf puis s'envole pour l'Italie et rencontre Mario Bava, Duccio Tessari, Sergio Sollima et Antonio Margheriti. À son aise dans le cinéma de genre, il commence à écrire, dans son coin, des scenarii qu'il offre sans contrepartie à ses amis producteurs. Le virus de la mise en scène le pique enfin après avoir travaillé pour Jesus Franco, Robert Hossein, Max Pécas et Jean-François Davy. L'érotisme, qui entame sa lente mutation vers le hard sera sa porte d'entrée vers des productions à très petit budgets.
Il signe son premier long-métrage en 1970. Drame érotique en partie autobiographique, Les Désaxées lui permet de tourner avec sa compagne d'alors, Janine Reynaud. Et Lemoine de persister dans l'érotisme artisanal jusqu'aux Week-ends maléfiques du Comte Zaroff qu'il tourne en seulement treize jours et finance en partie de sa poche. De la nudité, il y en a toujours bien évidemment. Mais il y incorpore du fantastique, de l'onirisme, de la comédie et de l'horreur. Il espère tenir là son ticket vers des productions plus cossues et pouvoir prendre un peu ses distances avec le cinéma d'exploitation. Malheureusement, la censure française lui tombe dessus et classe le film d'un X sans appel qui en pénalise la distribution. Dépité, Michel Lemoine n'a d'autre choix que de s'orienter vers le porno, un genre souvent méprisé auquel il offrira au moins une pépite au début des années 80, le gentiment cul(te) Marilyn, mon amour avec la plantureuse Olinka.
Que reproche t-on aux Week-ends maléfiques du Comte Zaroff pour le censurer ainsi au milieu des 70's ? On y voit de la nécrophilie, de la violence gratuite et de l'incitation au meurtre et à la torture. Jugement sacrément excessif pour une bande d'exploitation réalisé avec des bouts de ficelle et qui ne se prend pas toujours au sérieux.
Hier comme aujourd'hui, il est impossible de regarder le film sans esquisser un sourire devant ses nombreuses et attachantes maladresses. Hasardeuse mais irrésistible par ses accents bon enfant (mention spéciale au duo impayable Nathalie Zeiger / Robert de Laroche), l'interprétation s'empêtre dans des dialogues très littéraires et qui manquent de naturel. L'horreur reste timide et cède plus volontiers la place à une atmosphère de roman photo ou de bande dessinée et un fantastique désuet mais dont la sincérité force le respect. Si l'histoire se voudrait une suite contemporaine des Chasses du Comte Zaroff de Ernest B. Shoedsack, elle prend à bras le corps son décorum français et offre le portrait d'une bourgeoisie déviante qui se plaît à cacher ses lourds secrets dans des châteaux isolés à la campagne. La très belle scène qui ouvre le film réinterprète d'ailleurs avec goût nos traditionnelles chasses à courre lorsqu'une demoiselle toute nue tente de fuir le comte et son molosse. Sexe, violence et morceaux de terroir.
Outre un talent certain pour mettre en valeur la plastique de ses ravissantes actrices (Martine Azencot et sa danse lascive mérite à elle seule le visionnage) et les dénuder sans une once de vulgarité, Michel Lemoine soigne ses cadres et le rythme général. On ne s'ennuie jamais devant Les Week-ends Maléfiques du Comte Zaroff et l'ensemble dégage un charme réel et un amour du genre qui l'éloigne bien vite du Z triste et vers les contrées plus fréquentables du bis joyeux. Car si l'envie vous prend de rire gorge déployée devant les turpitudes d'un noble en veste de velours et poussé au vice par un majordome stoïque et l'innocence de donzelles peu farouches, sachez que le regretté Michel Lemoine et toute son équipe ne vous en tiendront pas rigueur. Point de moquerie mais une bonne humeur partagée pour ce fier représentant de tout un pan disparu de notre cinéphilie.





