Aujourd'hui cinéaste adulé (ou détesté) à Hollywood après le triplé Looper, Star Wars The Last Jedi et A Couteaux tiré, Rian Johnson avait fait sensation à Sundancedès son premier long-métrage, Brick, polar neo noir matiné de teen-comedy. Mais avec quelques années de distance, l'essai ressemble plus que jamais à une œuvre de jeunesse.
Petite production indépendante tournée dans les rues de San Clemente et dans le lycée même où Johnson avait trainé ses guetres, Brick est certainement le fantasme premier d'un jeune cinéphile qui après quelques courts métrages passe enfin dans la cour des grands. Rédigé dès sa sortie de l'école de cinéma, longuement mûri et nourri de références évidentes, le film impressionne d'emblée par la virtuosité de sa mise en scène, capable de s'emparer des cadrages classiques, symptomatiques même des grands polars américains, pour mieux les déstabiliser par des effets de montages ultra modernes, des variations de rythmes ou des intentions beaucoup plus signifiantes. Brick est sans détour un film post-moderne, (trop?) conscient de sa culture, des codes mêmes du genre auquel il s'attaque, mais qu'il réinvestie dans un décors beaucoup plus contemporains, un paysage plus réaliste. Même s'il s'en défend, Johnson est constamment ici dans l'obsession méta du jeune metteur en scène bouillonnant et dont l'idée principale est tout simplement d'offrir une relecture par le menu du Film Noir dans le milieu lycéen des années 90.
Brick mélange ainsi les souvenir de cinéma et les souvenirs tout court de l'adolescence de son auteur, hésitant un peu maladroitement entre l'ironie et le second degré des années 2000 (Scream est passé par là), et une distance discordante où les compressions d'espaces, les regards fugaces et les pauses planantes capturent l'absurdité temporelle du passage à l'âge adulte... Jusque dans les postures, les codes vestimentaires et les attitudes désenchantées héritées de dramas télévisés plus ou moins inspirés. Entre Beverlly Hills 90210 et Angela 15 ans. Le rebelle antisocial interprété par un Joseph Gordon-Lewitt pénétré se transforme en détective éreinté aux mèches tombants devant les yeux, la star du lycée devient une femme fatale forcément manipulatrice, le leader sportif une grande gueule castagneur, le doyen de l'établissement en juge autoritaire tandis que tous les élèves, voir le voisinage, se prennent pour des dealers à la dur, des gangsters en marcels et bonnets vissés sur la tête. A forcer de jouer sur les deux tableaux, de rester fixé à une trame digne du Grand Sommeil et de calquer ses personnages sur leur modèles en noirs et blanc, Brick perd de sa substance et de sa crédibilité, se teinte de parodie, rendant la moindre révélation inutile et les rares instants d'émotions assez vains. Frère lointain de Donny Darko mais aussi et surtout plus récemment du fantasmatique Under The Silver Lake de David Robert Mitchell, Brick est certainement trop conscient de lui-même, confondant l'exercice de style, la virtuosité technique et l'habilité de son pitch avec l'arrogance de l'étudiant en histoire de l'art. La maitrise est là, le reste est encore à construire.



