Il s'en est fallu de peu pour que ce film tombe dans l'oubli. Un genre donnant du western par dizaines, un réalisateur passe partout, une star éphémère et une facture de série B. Pourtant, Le Fort de la dernière chance, par un scénario original à défaut d'être malin arrive à nous surprendre.
Mode viril par excellence, le western admet rarement être perverti par la gent féminine. Il y a eu éventuellement Le Convoi de femmes de William Wellman en 1951 où Robert Taylor escortait un troupeau de va... pardon de femmes dans l'Ouest sauvage et puis, plus grand chose jusqu'à cette année 1956. L'idée majeure du film est de déplacer le point de vue du spectateur. Suite à une énième extermination perpétrée par l'homme blanc contre le peuple indien, les peaux-rouges ont les ancêtres qui crient vengeance. Sentant le vent tourner le lieutenant Frank Hewitt n'aura de cesse de prévenir la population du massacre en devenir. Sudiste ayant rejoint le camp nordiste, il n'est pas en odeur de sainteté sur sa terre natale. Seul le sexe faible se laissera convaincre de trouver refuge à ses côtés dans un fort laissé à l'abandon. Jusque-là, rien à signaler, tout va bien pour le spectateur. L'ex-soldat médaillé, tueur de hordes de nazis reconverti en acteur (Audie Murphy) est là pour les protéger. Seulement le harem improvisé se révélera bien plus coriace face aux Indiens que la cavalerie.
C'est vrai qu'il est rare de donner le beau rôle aux femmes à cette époque (en tout cas dans les westerns). Mais il ne faut pas abuser non plus, car si le héros n'était pas là pour leur apprendre les rudiments des armes et la hardiesse au combat, peu sûr que leur survie soit assurée. Pourtant le film navigue entre ses deux eaux. Intéressant de voir ces femmes massacrer les indiens comme autant de représentants du sexe fort les ayant méprisés depuis tant d'années. Ce combat est le leur, celui de leur émancipation sur la terre où la testostérone est roi. Leur conduite dans le danger leur vaut le respect du lieutenant interprété par Audie Murphy. Convaincu par leurs utilités, il les autorise à s'exprimer par ce maladroit « votre conduite mérite le droit d'être consulté». Bah oui, il ne faudrait tout de même pas oublier qui est le mâle alpha dans cette histoire ! Une façon pour lui d'admettre qu'il ne peut pas non plus s'en sortir seul. Cette scène fait d'ailleurs écho plus loin dans le film lorsque ce lieutenant doit faire face aux autorités yankees qui veulent le faire passer au conseil de guerre pour désertion. Sans l'intervention des survivantes, il y a fort à parier que son avenir se résoudrait à une corde et une potence, pourtant ce sera vraisemblablement une autre sorte de corde au cou qui l'attendra. George Marshall, fidèle à ses tics, parsèment son film d'humour plus ou moins bienvenu. Son apogée est vraisemblablement celle où trois bandits veulent s'emparer du butin des demoiselles à leurs risques et périls et le pire intervient sans conteste avec une fessée donné à une des lady en peine crise de nerfs !
Se voulant résolument progressiste pour l'époque, les années vont conférer au Fort de la dernière chance un étrange regard révolu à l'heure où le mouvement #metoo a changé la donne. Les femmes ont pris le pouvoir et le cowboy ne partira plus au soleil couchant sans avoir fait la vaisselle. Toute une époque...


