Avec Cry Freedom, Richard Attenborough signe un film biopic illustrant la lutte anti-apartheid livrée par l'activiste Steve Biko et le journaliste Donald Woods au milieu des années 70. Classique et académique, mais pas inintéressant.
Le réalisateur Richard Attenborough a livré à l'histoire du cinéma quelques fresques biographiques célèbres comme Les Griffes du Lion (1972) consacré à la jeunesse de Winston Churchill, le multi-oscarisé Gandhi (1982) ou encore Chaplin (1992). Des œuvres marquées par un académisme certain et une durée démesurément longue pour des films hollywoodiens "à l'ancienne". Cette marque de fabrique prévaut également pour Cry Freedom, sorti en 1987 et mettant en scène Denzel Washington dans le rôle du militant de la lutte anti-apartheid Steve Biko. Tiré d'une histoire vraie, le film relate un épisode se situant au milieu des années 70, peu avant les émeutes de Soweto en Afrique du Sud, et suit un journaliste blanc, Donald Woods (Kevin Kline) épaulant Steve Biko à dénoncer et informer la situation dramatique, les inégalités et le racisme dont sont victimes les noirs dans les bidonvilles. Au-delà de la portée historique et éminemment politique du discours du film, le réalisateur (et éternel interprète de John Hammond dans Jurassic Park) conte surtout une histoire d'amitié naissante entre deux hommes. On n'est donc pas réellement face à un biopic unilatérallement consacré à l'activiste anti-apartheid, mais plutôt à la reconstitution d'une époque, d'un épisode douloureux de l'histoire de la ségrégation en Afrique du Sud et de la transmission d'un message politique et humaniste.
Ce qui peut surprendre néanmoins à la vision de Cry Freedom, c'est l'attention portée au personnage du journaliste Donald Woods, soit dit en passant impeccablement campé par Kevin Kline. Celui-ci se retrouve en effet sur le devant de la scène aux dépens de Steve Biko, qui se retrouve (par la force des choses) relégué au second rang. En cela, le film est clairement scindé en deux parties bien distinctes. Après un premier segment au cours duquel Richard Attenborough et son scénariste John Briley (La Grande Menace, Gandhi) s'attachent à décrire l'amitié des deux hommes, mais aussi la profondeur et les ramifications du combat qui les unit, la seconde moitié du film se focalise sur le personnage de Donald Woods, dérivant alors quelque peu, perdant en pertinence au regard de ce qui a précédé. Un choix qui interpelle, tant le film perd alors nettement en intérêt. Certes il y est toujours question de la lutte contre les inégalités, l'apartheid reste au centre du récit et l'esprit de Steve Biko plane, mais le scénario se révèle beaucoup moins fort et poignant. Et la longueur excessive du film n'évite malheureusement pas la monotonie, le film souffre d'un véritable problème de rythme, alternant des scènes haletantes avec des moments beaucoup moins palpitants, guère aidés par une réalisation de Richard Attenborough souffrant de cet académisme lourd. Par ailleurs, Cry Freedom n'échappe pas aux pièges de la caractérisation un peu simplette avec des personnages quelque peu manichéens sur les bords. Ce manque de subtilité dans l'écriture peine à enthousiasmer outre mesure pour un sujet aussi fort et brûlant. Fort heureusement, l'alchimie entre Denzel Washington et Kevin Kline permet à Cry Freedom de disposer d'une âme, bien cachée sous le vernis classique de la fresque biopic. Fort de son sujet puissant et de l'interprétation à l'unisson de ses comédiens, le film d'Attenborough finit par marquer l'esprit par ses qualités, par son message de partage et de tolérance, plus que par ses défauts. A redécouvrir...


