Distribué un temps en France sous la forme d'une VHS granuleuse avec un doublage catastrophique, comme n'importe-quel thriller transalpin, Opération K est un étrange film policier suivant, non sans une pointe de voyeurisme, la spirale autodestructrice de petits voyous prêts à toutes les extrémités pour avoir la sensation d'exister.
Symbole d'un pays au bord de l'implosion, les poliziottesco, ou polars à l'italienne, ont souvent flirté avec le thriller opaque, avec le film d'horreur brutal, avec la chronique amorale d'une jeunesse en déroute. Très marqué par la découverte de La Dernière maison sur la gauche de Wes Craven et la vague de rape & revenge plus ou moins sordide qui suivit, le cinéma de genre italien connu lui aussi ses calvaires insoutenables, ses violences incontrôlables et des vengeances tout aussi sanglantes. Mais ici le point de vue choisi n'est pas celui de la pauvre jeune fille, victime du viol inaugural, mais bien celui des deux paumés Paolo et Giovanni. Elle et sa voisine, violées et assassinées, seront laissées sur place, presque oubliées, alors que le film restera collé à la fuite des deux hommes. Presque l'histoire d'une rencontre entre deux mal-être, entre deux rejetés, qui peinent à trouver leur place dans la société italienne des années 70 marquée par une augmentation de la pauvreté, le contrôle du pays par une caste aisée et droitière et une violence finalement généralisée. Ils ne sont pas les moteurs de cette dégradation de la société, mais bien un triste symptôme qui ne fait que reproduire maladivement l'atmosphère écrasante et sordide qui les entoure. Il n'est pas anodin d'ailleurs que leur premier « haut fait », le double viol, ait été motivé comme une revanche après une panne sexuelle, diminuant finalement la seule posture qui leur reste : celle primaire de l'animal masculin, viril et brutal.
Réalisateur franchement inconnu n'ayant manifestement pas vraiment marqué son époque avec des opus comme Les Chercheuses du plaisir, le film de boxe Ring ou le trip à paillette White Pop Jesus, Luigi Petrini frappe plutôt fort dans la première demi-heure du film en resserrant le drame sur une seule pièce, obligeant finalement le spectateur à assister aux déviances du « couple » et les humiliations qu'ils font subir aux deux femmes. Une ambiance poisseuse, gênante, qui installe un malaise d'autant plus frappant qu'ils semblent s'en tirer à bon compte. Malheureusement la suite d'Opération K, et son rattachement plus laborieux au film de prise d'otage façon Un Après-midi de chien, vient témoigner d'un réel essoufflement dans les intentions du metteur en scène, et dans ses capacités réelles. Retranchés sans réelle logique dans un restaurant au luxe très approximatif, les deux malandrins malmènent leurs captifs, en particulier les femmes forcément, mais restent finalement bien plus sages, ressemblant de plus en plus à deux enfants un peu perdus ayant fait une très grosse bêtise. La tension retombe légèrement, voir copieusement, carrément plombée par l'apparition d'un inspecteur plus concerné par ses week-ends en amoureux avec la donzelle qui l'attend en coulisses, qu'avec la grave situation qui pourrait tourner au carnage. Mal fagoté malgré un début prometteur, Opération K est un petit film malade qui se regarde sans déplaisir mais dont on peut comprendre aisément l'oubli relatif dans lequel il était tombé.



