Rare échec dans la looongue carrière du père Jean Gabin, Le Jardinier d'Argenteuil sort sur les écrans en 1966 alors que le cinéma français est peu à peu emporté par la Nouvelle vague et que les dernières sensations de l'année sont Un Homme et une femme de Claude Lelouch ou Masculin féminin de Jean-Luc Godard.
Une jeunesse, un regard nouveau sur le monde et sur le 7ème art à coté desquels tranche farouchement la dernière réalisation sur grand écran de Jean-Paul Le Chanois (Les Évadés) retrouvant sa plume légère de Papa, maman, la bonne et moi... cultivant un cinémascope et un Techniscope (pour les superbes couleurs) tout en simplicité et en naïveté. Les mouvements circulaires, les effets de montage c'est pour d'autres et le cinéaste (également narrateur) de présenter avec amusement et amitié son brave héros, Tulipe, retraité d'une soixantaine d'année qui cultive pépère son bout de jardin, peint quelques portrait des voisins et se fait à l'occasion faussaire, mais que petites coupures car c'est un gars honnête. Un homme de la terre, un physique de vieil ouvrier qui sied à merveille à un Jean Gabin débonnaire, petite barbiche blanche et paludier sur la tête, traversant le film en râlant gentiment et surtout en s'étonnant des excentricité et de l'affolement de ses contemporains.
L'administration ubuesque française qui va l'obliger à trouver une source de revenu fissa, son filleul (Pierre Vernier) et sa nouvelle blonde (Liselotte Pulver, star du cinéma allemand de l'époque) jeunes « yéyé » arrivistes et arnaqueurs peu doués, mais aussi un milliardaire allumé incarné par le grand Curd Jürgens (L'Espion qui m'aimait, Et Dieu... créa la femme), fasciné par la nouveauté mais nostalgique de la simplicité d'autrefois. C'est sur le yacht de ce dernier que Le Jardinier d'Argenteuil affirmera d'ailleurs ses petites ambitions en confrontant Tulipe à une troupe de jeunes femmes en bikinis filmés avec un maniérisme emprunté par un Serge Gainsbourg (qui signe aussi la BO) idéal en petit con pensant révolutionner le monde de l'art. Succession de scénettes inégales, de petits gags souriants et de moments de flottements tirés de la torpeur par les jolis dialogues d'Alphonse Boudard (Flic Story, Le Soleil des voyous...) et la bonhommie d'un Gabin parfaitement confortable dans cette fable sans conséquence, Le Jardinier d'Argenteuil est un « feel good movie » comme disent les englishs. Un film où le pouvoir de l'argent, la fascination pour le confort moderne et la culture de la télévision sont écartés d'un mouvements de bras, préférant se remémorer la tendre France de l'après-guerre, les promenades en carriole et une banlieue parisienne encore fleurie. Désuet, mais conscient de l'être, Le Jardinier d'Argenteuil est certainement un peu anecdotique dans le cinéma français et la carrière de Jean Gabin, mais c'est sans doute ce qui rend la balade aussi agréable.


